L'ARGENTINE ELIT UN PRESIDENT LIBERTARIEN 

AUX PROPOSITIONS CHOC

Jair Bolsonaro voulait "changer le destin du Brésil", Javier Milei promet, lui, de s’attaquer "à la tronçonneuse" aux problèmes de l’Argentine. L'économiste libertarien, admirateur de Donald Trump, a remporté dimanche l'élection présidentielle. 

S'il obtient les soutiens nécessaires au Parlement, il pourrait notamment mettre en œuvre une politique économique radicale.

Il a salué "une nuit historique pour l'Argentine".

L'économiste ultralibéral argentin Javier Milei, polémiste antisystème et admirateur de Donald Trump, a été élu président de l'Argentine, dimanche 19 novembre 2023. 

Il a remporté l’élection présidentielle argentine ce lundi, avec 55,6 % des voix contre 44,3 % pour son adversaire, le centriste Sergio Massa.

Les scandales politico-financiers à répétition ont progressivement érodé la confiance du peuple argentin en ses élus. 

En décembre 2022, l’ancienne présidente Cristina Kirchner a ainsi été condamnée à six ans de prison pour "administration frauduleuse" au préjudice de l’Etat. En se distanciant des politiques, Javier Milei a réussi à conquérir le cœur des Argentins, écœurés par des années de corruption et étranglés par une inflation qui s’élève à 143 % sur un an.

Le nouveau dirigeant argentin, qui se définit volontiers comme "anarcho-capitaliste", propose notamment une dollarisation de l'économie du pays et un "traitement de choc" budgétaire. Il rejette également la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique et s'oppose au droit à l'avortement.

L'adoption du dollar pour remplacer le peso

L' homme politique se présentant comme "antisystème" a promis à la troisième économie d'Amérique latine une thérapie de choc impliquant d'importantes coupes budgétaires, allant jusqu'à suggérer la suppression totale de plusieurs ministères, dont celui de la Santé et des Transports.

Économiste de formation et élu député en 2021, il a défini comme mesure clé de son mandat la dollarisation de l'économie argentine, face à une inflation galopante dépassant 142% sur un an, selon la Banque centrale du pays. Il prévoit de remplacer le peso, "qualifié d'excrément", par le dollar d'ici 2025. 

Plus de 200 économistes jugent cela un "mirage", anticipant une fragilité accrue face aux "chocs externes" et des périodes de récession avec un taux de chômage élevé.
En parallèle, le nouveau président souhaite "dynamiter" la Banque centrale argentine.

Une "tronçonneuse" pour les dépenses publiques

Lors de sa campagne présidentielle, Javier Milei a brandi, à plusieurs reprises, une tronçonneuse, symbole des coupes budgétaires drastiques à venir en cas de victoire. Le nouveau président entend réduire les dépenses publiques de 15% du PIB et en finir avec "cette aberration appelée justice sociale, synonyme de déficit budgétaire". 

Il projette de réduire les dépenses publiques de 15% du PIB, privatiser les 34 entreprises publiques, supprimer des subventions sur le gaz et l'électricité, et instaurer un système d'appel d'offres privé pour les travaux publics. 

Il compte également réduire le nombre de ministères, mettre fin aux retraites des anciens présidents, juges, et diplomates, tout en diminuant les fonds versés aux provinces.

Bien que Javier Milei ait tenté d'apaiser les inquiétudes en fin de campagne, assurant ne pas privatiser la santé et l'éducation, ses positions antiféministes suscitent des préoccupations. Il propose de supprimer le ministère des Femmes, des Genres et des Diversité déclarant en mai 2022 : 

"Je ne m'excuserai pas d'avoir un pénis" et niant les inégalités salariales malgré un écart de 27,7% en Argentine. 

Il s'oppose au droit à l'avortement, légalisé jusqu'à la 14e semaine de grossesse en décembre 2020, considérant l'IVG comme un meurtre. Javier Milei souhaite organiser un référendum sur le sujet : "Évidemment, la femme a les droits sur son corps, mais l'enfant n'est pas son corps", estime-t-il.

Le nouveau président soutient la primauté des libertés individuelles sur des sujets tels que la légalisation des drogues, la dérégulation de la vente d'armes, et propose une "solution de marché" pour le don d'organes.

Il défend toutefois la primauté des libertés individuelles sur d'autres sujets, comme la légalisation des drogues "tant que cela n'implique pas l'aide de l'Etat". Le nouveau président argentin se dit, en outre, en faveur de la dérégulation de la vente d'armes, mais également d'une "solution de marché" pour le don d'organes.

Un programme climatosceptique

Sur le plan environnemental, Javier Milei adopte une position climatosceptique, niant le réchauffement climatique dû aux activités humaines. Il refuse l'adhésion à l'agenda 2030 de l'ONU et va jusqu'à défendre l'idée de privatiser des fleuves en Argentine.
"Il existe, dans l'histoire de la Terre, un cycle de températures", avait-il aussi déclaré début octobre lors de la campagne présidentielle Le nouveau président argentin est allé jusqu'à défendre l'idée de privatiser des fleuves en Argentine

"Si l'eau se fait rare, elle arrête de ne rien valoir et alors un commerce commence, et vous allez voir comment la pollution [des entreprises] se termine", a-t-il notamment déclaré pendant la campagne.

Un nouveau président aux " mains liées "

Mais entre l'exercice de charme initial et la matérialisation des engagements de campagne, le chemin à parcourir s'avère cependant particulièrement exigeant. Les leaders populistes tendent à présenter des propositions politiques souvent axées sur la rupture avec la réalité. Cette approche se révèle très efficace lors de la conquête du pouvoir, mais elle prend une tout autre dimension une fois que celui-ci est acquis, met en garde et auteur de Géopolitique de l’Amérique latine.

Bien que Javier Milei ait forgé son image en marge des coulisses du pouvoir argentin, c'est néanmoins le soutien de la droite qui l'a propulsé à la présidence. 

Selon le spécialiste de l'Amérique latine, Christophe Ventura, directeur de recherche à l'Iris "le véritable architecte de sa victoire est le bloc de droite qui l'a appuyé au second tour pour empêcher les péronistes, incarnés par la candidature de Sergio Massa, de rester au pouvoir."

Des alliances lui seront toutefois indispensables pour mener à bien son programme. Au Parlement, son parti n'est que la troisième force, derrière les blocs de centre-gauche et de centre-droit. Pour le moment, Javier Milei ne dispose que de 38 députés sur les 257 que compte le Parlement argentin. 

Or pour légiférer en Argentine, il faut un quorum, c’est-à-dire la moitié des députés plus un. Il en est très loin. 

Le nouveau président va "avoir les mains liées", car il est "peu probable qu’il réussisse à constituer une majorité" au Parlement. La moitié des parlementaires a été renouvelée au premier tour de la présidentielle et la seconde moitié le sera lors d’élections dans deux ans.

Javier Milei se trouve donc dans l’obligation de former des alliances et, donc, probablement de mettre de l’eau dans le vin de ses déclarations chocs de campagne. 

Si Javier Milei parvient à obtenir les soutiens nécessaires, il souhaite mettre en place pour mettre fin, comme il l'affirme, "à la décadence argentine" des mesures choc.

La question cruciale demeure donc de savoir dans quelle mesure cette alliance de circonstance pourrait perdurer.

Les Argentins qui " arrivent à peine à survivre", ont choisi la " tronçonneuse " à  la continuité péroniste qui n'a cessé de les enfoncer dans la pauvreté...




Jaimie Potts pour DayNewsWorld