CONFLIT FRONTALIER ENTRE LE VENEZUELA ET LE GUYANA AUTOUR DU ESSEQUIBO AUX VASTES RESSOURCES PETROLIERES

Les tensions n’en finissent plus de monter entre les deux pays voisins que sont le Vénézuela et le Guyana, une situation qui inquiète le Brésil, et plus généralement le reste de l’Amérique du Sud

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a d'ailleurs exhorté son homologue vénézuélien Nicolas Maduro à ne pas prendre de « mesures unilatérales » qui aggraveraient le conflit frontalier entre le Venezuela et le Guyana voisin, lors d’un appel téléphonique samedi.

« Lula a souligné l’importance d’éviter les mesures unilatérales qui pourraient aggraver la situation » dans la région disputée de l’Essequibo, riche en pétrole, a déclaré la présidence brésilienne dans un communiqué.

Le président du Brésil, frontalier avec les deux pays, a répété la « préoccupation croissante » des autres pays d’Amérique du Sud qui avaient dans un communiqué commun jeudi soir invité « les deux parties au dialogue et à la recherche d’une solution pacifique ». « S’il y a une chose dont nous ne voulons pas, c’est une guerre en Amérique du Sud », avait clairement dit Lula.

Référendum portant sur l' annexion de l’Essequibo aux vastes gisements de pétrole

Quelque 125 000 personnes, soit un cinquième de la population du Guyana, vivent dans l’Essequibo, qui couvre les deux tiers de la superficie du pays. Ce territoire, qui s’étend sur les deux tiers du Guyana, est l’objet d’un très ancien contentieux territorial avec le Venezuela. La querelle a été ravivée par l’homme fort de Caracas, Nicolas Maduro, le 3 décembre, avec l’organisation d’un référendum portant sur son annexion. Le président vénézuélien s’est appuyé sur des résultats cousus main pour avancer des plans visant à transformer l’Essequibo en province vénézuélienne et pour ordonner au groupe public pétrolier PDVSA d’accorder des licences d’exploitation de pétrole et de gaz dans une région riche en énergies fossiles et en minerais de toutes sortes.

La découverte de vastes gisements de pétrole a donc ravivé le vieux conflit sur l’Essequibo, un territoire de 160 000 km² administré par le Guyana, mais que le Venezuela revendique en soutenant que la véritable frontière est celle datant de l’empire espagnol en 1777. Ce contentieux territorial est un héritage de la colonisation, en l’occurrence britannique, mais il existe des voies légales pour le résoudre, à commencer par un arbitrage de la Cour internationale de justice. Cette instance a été saisie en 2018 et elle s’est déclarée compétente en dépit des contestations de Caracas.

Le différend entre le Venezuela et le Guyana est porté devant la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, que le Venezuela refuse de reconnaître. Le Guyana soutient que les frontières ont été établies en 1899, alors que le Royaume-Uni était la puissance coloniale du territoire.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a finalement abordé la querelle le 8 décembre, sans prendre de décision. Une médiation du président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a toutefois abouti à un premier résultat. Nicolas Maduro devrait rencontrer son homologue du Guyana, Irfaan Ali, le 14 décembre, sur une île des Caraïbes. Malgré cela, les deux pays continuent d’échanger des déclarations acerbes, et le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni à huis clos vendredi soir, sans qu'aucun commentaire ne filtre.

A la veille d’une élection présidentielle prévue en 2024

La Russie, alliée du président vénézuélien Nicolas Maduro, qui a soutenu Vladimir Poutine dès les premières heures de l’invasion russe en Ukraine, appelle à « des solutions pacifiques et acceptables pour tous ». Washington, allié de Georgetown, affirme son « soutien inébranlable à la souveraineté du Guyana ». En réponse, Washington annonce abruptement la tenue de manœuvres militaires aériennes conjointes avec le Guyana, et Brasilia envoie des renforts militaires à la frontière entre les trois pays. Le ministre de la Défense vénézuélien qualifie de « provocation » les exercices militaires aériens annoncés par les États-Unis au Guyana.

Certains analystes estiment toutefois que la rhétorique nationaliste du pouvoir vénézuélien sur l’Essequibo, ainsi que le référendum du dimanche réclamant à 95 % le rattachement au Venezuela (selon des chiffres officiels contestés), sont une tentative de manipulation politique de Nicolas Maduro à moins d’un an de la présidentielle de 2024, où il vise un 3e mandat.


Cette tension est probablement entretenue par le Venezuela à des fins de politique intérieure. À la veille d’une élection présidentielle prévue en 2024, à laquelle il compte bien se représenter, le dirigeant de Caracas a tout intérêt à exploiter la corde nationaliste pour masquer le marasme dans lequel son pays est plongé et pour affaiblir son opposition. 

Des mandats d’arrêt ont déjà été émis par un ministère de la justice aux ordres contre des opposants, accusés d’avoir tenté de saboter le référendum du 3 décembre, notamment des proches de Maria Corina Machado, qui a remporté les primaires de l’opposition vénézuélienne en octobre et devrait donc affronter le président sortant.




Garett Skyport pour DayNewsWorld