VERS UNE GUERRE ENTRE L'IRAN ET LES ETATS-UNIS

OU LE TORPILLAGE DE DEUX PETROLIERS DANS LE GOLFE

Téhéran fait monter monter la pression au sujet de son programme nucléaire. « Le compte à rebours pour passer au-dessus des 300 kilogrammes pour les réserves d'uranium enrichi a commencé et dans dix jours, c'est-à-dire le 27 juin, nous dépasserons cette limite », a déclaré lundi 17 juin Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique.

L'annonce iranienne de ce lundi survient dans un contexte de très fortes tensions entre Téhéran et les États-Unis, qui ont renforcé leur présence militaire au Moyen-Orient face à une « menace iranienne » présumée. Washington accuse Téhéran des récentes attaques contre des pétroliers dans le Golfe que l'Iran dément.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui voit dans l'Iran une sérieuse menace pour son pays, a appelé la communauté internationale à imposer « immédiatement » des sanctions contre Téhéran le jour où son stock d'uranium enrichi passera au-dessus de la limite.

Deux pétroliers ont en effet été attaqués ce jeudi a proximité du détroit d’Ormuz, passage d’un tiers des exportations de pétrole dans le monde.

Une zone où se cristallisent les tensions entre l’Iran et les Etats-Unis depuis deux années. Les navires en question seraient le Front Altai et le Kokuka Courageous, respectivement sous pavillon des îles Marshall et du Panama. Les navires Front Altair et Kokuka Courageous auraient été «attaqués» dans cette zone stratégique sur fond de crise entre les États-Unis, les États du Golfe et l’Iran. Les marins auraient été recueillis par l’Iran tandis que la Ve Flotte américaine serait sur place. On évoque l’hypothèse d’un «torpillage».

Qui s’en prend aux tankers dans le détroit d’Ormuz ?

Quand bien même la situation est encore confuse, ces incidents ont lieu dans une zone maritime stratégique pour le commerce mondial mais aussi foyer de vives tensions géopolitiques sur fond de crise persistante entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite d’un côté et l’Iran et ses alliés chiites de l’autre.

Concernant l’origine de ces graves incidents, l’hypothèse d’un torpillage de ces navires est mentionnée par le journal Tradewinds, citant des sources industrielles. Cette hypothèse s'appliquerait pour le Front Altair qui transportait 75.000 tonnes de naphte. «Il pourrait avoir été frappé par une torpille» vers 4h00 GMT, a déclaré le PDG de l’entreprise de pétrole taïwanaise CPC, Wu I-Fang, destinataire de la cargaison.

Le second navire, le Kokuka Courageous, un méthanier de 27.000 tonnes, a essuyé des tirs mais tout l’équipage a été sauvé après l’abandon du navire, et sa cargaison de méthanol est intacte, a déclaré son opérateur japonais Kokuka Sangyo. «Il semble que d’autres navires aient également essuyé des tirs», a déclaré le président de la compagnie, Yutaka Katada, aux journalistes à Tokyo, confirmant des informations de sa société mère de Singapour sur un «incident de sécurité».

Médiation en Iran entre le Premier ministre japonais et  l’ayatollah Khamenei

En mai dernier, une série de sabotages similaires avait été attribuée par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite à l’Iran, dans un contexte d’extrême tension entre Washington et Téhéran sur le nucléaire.

L’Iran a exprimé ses «inquiétudes» après des «incidents suspects». Dans un premier temps, Téhéran avait parlé d’«accident» et indiqué avoir porté secours à «deux tankers étrangers» en mer d’Oman.

Cette nouvelle attaque a eu lieu alors même que le Premier ministre japonais rencontrait en Iran l’ayatollah Khamenei pour tenter de désamorcer cette crise.

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, se trouve en effet à Téhéran depuis mercredi 12 juin pour une visite de deux jours, afin d’ouvrir un rare canal public de discussion entre les Etats-Unis et l’Iran. Ces efforts diplomatiques ont lieu alors que Téhéran a signalé sa volonté de cesser de respecter ses engagements sur le nucléaire, un an après le retrait des Etats-Unis de l’accord, en mai 2018, et alors que les sanctions américaines contre l’Iran y sont assimilées à des actes de guerre.

Téhéran a donné jusqu’au 7 juillet aux autres signataires de l’accord (Chine, Russie, France, Royaume-Uni et Allemagne) pour modérer le poids de ces sanctions qui menacent de réduire son PIB de 6 % dans l’année, selon le Fonds monétaire international.

Au ministre des Affaires étrangères iranien de juger alors extrêmement suspecte la coïncidence entre ces «attaques» et la visite à Téhéran du premier ministre japonais Shinzo Abe. «Le mot suspicieux ne suffit pas à décrire ce qui transpire apparemment» de ces «attaques» contre des «tankers liés au Japon survenues alors que le premier ministre (japonais) rencontrait» le Guide suprême iranien à Téhéran, écrit Mohammad Javad Zarif sur Twitter.


Pourquoi un tel regain de tension ?

Considéré comme une zone de transit international, ce passage étroit situé à l’embouchure du Golfe persique est utilisé par l’Iran comme levier contre les sanctions américaines, qui visent à assécher les revenus pétroliers de la République islamique. En début de semaine, la marine iranienne a ainsi menacé de fermer le détroit en réponse à une décision américaine de mettre un terme aux exemptions permettant à différents pays de procéder à des importations de pétrole depuis l’Iran. Or un cinquième de la demande mondiale de pétrole transite par le détroit d’Ormuz.

Les incidents de ce jeudi interviennent donc dans un contexte géopolitique très tendu entre les États-Unis et leurs alliés sunnites dans le Golfe (à commencer par l’Arabie Saoudite) d’un côté et l’Iran chiite de l’autre, qui soutient notamment les rebelles Houthis au Yémen, opposé à la coalition arabe menée par Riyad.

Le 8 mai 2018, Donald Trump a annoncé la sortie des États-Unis de l’accord nucléaire signé en 2015 par son prédécesseur, Barack Obama, et a annoncé la relance des sanctions économiques contre Téhéran. Le 8 mai 2019, un an après, l’Iran a annoncé qu’il suspendait «certains» de «ses engagements». Depuis, le bras de fer entre Washington et Téhéran évolue entre menaces et tentatives d’apaisement. Le 13 mai, les Saoudiens ont dénoncé le sabotage de quatre navires commerciaux, dont trois pétroliers (deux saoudiens, un émirati et un norvégien) stationnés aux Émirats Arabes Unis. John Bolton, conseiller à la sécurité de la Maison blanche, a jugé le 29 mai que ces incidents étaient «très certainement dus» à des mines iraniennes. Mercredi 12 juin, les rebelles Houthis soutenus par Téhéran ont revendiqué le tir d’un missile contre l’aéroport saoudien d’Abha, Riyad menaçant de riposter...

Le clan des « durs » pourrait s'imposer à Téhéran, balayant le camp des modérés, représentés par le président Hassan Rohani, qui avait tout misé sur l’accord sur le nucléaire.

Et il y a aussi à Washington des jusqu’au-boutistes, comme le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, prêts à aller très loin pour faire chuter le régime de Téhéran.

De plus cette attaque dans un passage maritime stratégique mondiale a de graves conséquences sur l'économie iranienne. Elle a immédiatement fait grimper les prix du pétrole.

Le PIB iranien devrait chuter de 6 % cette année, après un plongeon de près de 4 % en 2018, selon le Fonds monétaire international.

Paris, Berlin et Londres semblent impuissantes à agir face aux sanctions américaines, même si elles ont tenté en début d'année de lancer un mécanisme de troc censé aider l'Iran. Les trois capitales européennes exhortent Téhéran à continuer de respecter l'accord malgré tout.

Alize Marion  pour DayNewsWorld