EN HAITI, THEATRE DE VIOLENCE ENTRE GANGS, 

UN PONT AERIEN POUR L'AIDE HUMANITAIRE

 EST MIS EN PLACE

Les Nations unies vont mettre en place un "pont aérien" entre Haïti et la République dominicaine voisine pour permettre "la fluidité de l'aide humanitaire" vers le pays en crise, a annoncé la mission de l'ONU en Haïti sur X, mercredi 13 mars.

La mission des Nations unies a également spécifié qu'une fraction du personnel serait temporairement réinstallée "à l'extérieur" du territoire, tandis que l'arrivée d'autres membres du personnel "de crise" était attendue. Cette décision n'est pas unique : l'Union européenne a annoncé lundi avoir évacué tout son personnel d'Haïti. Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a également déclaré que "les personnels non essentiels" de la France avaient été évacués de la capitale Port-au-Prince mardi matin.

De plus, le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, a exprimé mercredi l'espoir que le nouveau conseil de transition haïtien puisse être constitué "dans les jours à venir", ce qui permettrait le déploiement d'une force de sécurité dans le pays en proie aux gangs.

Un pays en proie aux gangs

En effet, depuis la fin du mois de février, la capitale Port-au-Prince est le théâtre de violences. Des milices prennent pour cibles des sites stratégiques tels que le palais présidentiel, des commissariats et des prisons. Les administrations et les écoles de la capitale haïtienne sont fermées en raison des affrontements entre les forces de l'ordre et les bandes armées, qui ont connu une recrudescence pendant le week-end du 9 mars. Des milices ont assailli des hôpitaux, obligeant les équipes médicales à fuir avec les patients - y compris des nouveau-nés - selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Depuis le 29 février, plus de 160 000 civils ont été déplacés dans la région de Port-au-Prince. Yanick Lahens, lauréate du prix Femina 2014 pour son roman "Bain de Lune", n'a "jamais connu une telle violence" dans son pays, qui traverse une crise politique et sécuritaire aiguë.

Le départ d'Ariel Henry, le Premier ministre, constituait l'une des priorités majeures des factions armées. En l'absence de président et de Parlement - le dernier chef d'État, Jovenel Moïse, ayant été assassiné en 2021 - Haïti n'a pas organisé d'élections depuis 2016. Ariel Henry, accusé par le parquet de Port-au-Prince du meurtre de Jovenel Moïse, aurait dû quitter ses fonctions au début du mois de février. Le 28 février, il avait consenti à "partager le pouvoir" avec l'opposition, dans le cadre d'un accord stipulant des élections dans un délai d'un an. Cependant, cette concession n'a pas été jugée suffisante : Jimmy Chérizier, un chef de gang influent surnommé "Barbecue", avait proféré des menaces le mardi 5 mars, évoquant une "guerre civile conduisant à un génocide" si Ariel Henry demeurait au pouvoir.

Finalement, le chef du gouvernement haïtien, qui était bloqué sur le territoire américain de Porto Rico, a cédé à la pression exercée par les partenaires régionaux. Son départ a été annoncé lors d'une réunion d'urgence rassemblant les membres de la Caricom et des représentants de l'ONU en Jamaïque. "Le gouvernement que je dirige ne peut rester indifférent à cette situation. Comme je l'ai toujours affirmé, aucun sacrifice n'est trop grand pour notre patrie, Haïti", a déclaré Ariel Henry.

Un accord de gouvernance transitoire

Après l'annonce de la démission d'Ariel Henry, le président du Guyana et de la Caricom, Mohamed Irfaan Ali, s'est dit "heureux" d'annoncer "un accord de gouvernance transitoire ouvrant la voie à une transition pacifique du pouvoir". Ce dénouement doit déboucher selon lui sur "un plan d'action à court terme en matière de sécurité" et "des élections libres et équitables".

Selon l'écrivaine haïtienne Yanick Lahens,les gangs "ont des commanditaires nationaux et surtout internationaux". En effet, de par sa position géographique, Haïti est un lieu de passage idéal pour tous les trafics. "Moins les institutions fonctionnent, plus ça fait l'affaire de ces personnes-là", avance-t-elle. Elle dénonce aussi "une collusion entre une partie de la classe politique" et les gangs.

Il reste toutefois de "l'espoir", selon elle qui se trouve "en dehors de Port-au-Prince, qui est un monstre qui dévore et cache le reste du pays". Il y a "un autre pays dans lequel il y a très peu de policiers" voire "pas de policiers du tout, et où les choses fonctionnent".




Carl Delsey pour DayNewsWorld