EUROPE ET ETATS-UNIS 

EN PERIODE  PRE-ELECTORALE 

OU LE COUP DE FREIN A L'AIDE A L'UKRAINE ?

Coup de froid entre l'Ukraine et la Pologne ? 

Tout est parti d'une décision du gouvernement conservateur polonais, qui, il y a quelques semaines, a refusé d'importer les céréales ukrainiennes pour favoriser la production nationale polonaise. Le lundi 18 septembre, la ministre ukrainienne de l’Économie Ioulia Svyrydenko a alors annoncé dans un communiqué que l’Ukraine lançait une procédure de plainte devant l’OMC contre la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie.

Rappel des faits

Au printemps dernier, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie avaient en effet obtenu l’autorisation par la Commission européenne de bloquer sur leur sol la commercialisation d’un certain nombre de produits agricoles ukrainiens. Cette mesure protectionniste était justifiée par les pays en question pour protéger leur secteur agricole contre l’afflux de céréales ukrainiennes à bas prix.

Le vendredi 15 septembre, la Commission, qui est compétente en la matière, a mis fin à cette exception. Varsovie, Budapest et Bratislava ont toutefois décidé d’outrepasser cette décision en imposant un embargo unilatéral.

L'hybris Volodymyr Zelensky à la tribune de l'ONU ?

Lors de son discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a donc violemment critiqué sans les nommer les trois pays contre lesquels Kiev a annoncé lancer une procédure devant l’OMC : « nous travaillons d’arrache-pied pour préserver les voies terrestres d’exportation des céréales. Il est alarmant de voir comment […] certains de nos amis en Europe, jouent la solidarité sur le théâtre politique […] ils aident en fait à préparer le terrain pour un acteur moscovite. »

Une attaque que la Pologne a très mal pris, d'autant que le pays aide énormément l'Ukraine depuis le début du conflit. Pris ensemble, le soutien bilatéral du gouvernement de Varsovie et le coût d’accueil des réfugiés, représente 3,2 % du PIB polonais, soit le plus haut niveau parmi tous les soutiens de l’Ukraine.

Résultat : convocation de l'ambassadeur ukrainien à Varsovie, et annonce dans la foulée de la suspension des livraisons d'armes à Kiev.

Le Premier ministre polonais s’est exprimé sur l’arrêt de la fourniture d’armes à l’Ukraine. En outre le soir même, le Président de la République polonais Andrej Duda a comparé l’Ukraine à « un homme en train de se noyer ».

Des conséquences potentiellement graves

À long terme, cette brouille diplomatique peut avoir des conséquences importantes pour l'Ukraine, puisque la Pologne fait partie avec les États-Unis et le Royaume-Uni des pays qui ont fourni le plus d'armes à l'Ukraine. L'un des premiers à envoyer des chars, plus de 350, et des avions de combat.

Ensuite, la Pologne, voisine de l'Ukraine, est la plaque tournante de toutes les livraisons d'armes et munitions des pays occidentaux. Son centre de Rzesów opérationnel, en liaison avec les États-Unis est un point absolument nodal pour l’acheminement de matériels en direction de l’Ukraine .Tout passe par là. Le gouvernement polonais a tout de même rassuré la communauté internationale à ce sujet, assurant que cette logistique continuera de fonctionner. En outre la Pologne a massivement soutenu l’Ukraine depuis 2022 tout en accueillant ses réfugiés.

La politique intérieure de la Pologne

Dans la soirée de jeudi 21 septembre, le président polonais Andrzej Duda est revenu sur les déclarations de son Premier ministre, affirmant qu'elles ont été "mal interprétées" : "Les paroles (de Mateusz Morawiecki) ont été interprétées de la pire manière qui soit. (...) À mon avis, le Premier ministre voulait dire que nous ne transférerons pas à l'Ukraine le nouvel armement que nous sommes en train d'acquérir pour moderniser l'armée polonaise", a rectifié le chef d'État à la télévision, sur la chaîne polonaise TVN24.

Varsovie veut de fait construire l’une des plus puissantes armées d’Europe avec 30 milliards d'euros de dépenses en 2024 soit 4 % du PIB pour son budget de défense et un énorme carnet de commandes auprès des Etats-Unis, incluant des avions F-35, près d’un millier de chars et des centaines de canons. Et la Pologne, en plein renouvellement de ses capacités militaires, est vraisemblablement au bout de ce qu’elle pouvait fournir en armement d'" ancienne génération" à l'Ukraine.

De plus en période préélectorale en Pologne, les agriculteurs faisant partie des principaux électeurs du PIS, le parti actuellement au pouvoir en Pologne, il était de bon ton de sanctionner l’Ukraine qui a déposé une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce contre le gouvernement polonais ne laissant pas transiter ses céréales.La stratégie centrale du PiS est de regagner cet électorat perdu, à travers d’un côté le déploiement de généreuses dépenses sociales, mais aussi en mettant l’accent sur des questions liées à la sécurité et la souveraineté nationale — d’où l’organisation d’un référendum sur les privatisations, le pacte européen sur les migrations et l’asile et la sécuritisation de la frontière avec la Biélorussie.

L’aide à l’Ukraine sous la menace d’une paralysie budgétaire

Les divisions au sein de l'Europe sur l'aide à apporter à l'Ukraine qui pourraient faire "tache d’huile" avec des pays comme la Hongrie d’Orban, se cristallisent également aux Etat-Unis.

Le sentiment d’urgence s’est en effet émoussé et l’opposition républicaine a pris le contrôle de l’une des chambres du Parlement et cette fois. Volodymyr Zelensky n’est pas reçu en grande pompe au Capitole, le siège du Congrès. . En visite à Washington, Volodymyr Zelensky a certes obtenu jeudi les garanties d'« importants » moyens de défense antiaérienne contre la Russie mais il repart sans les missiles longue portée qu’il réclame avec insistance, et doit faire face à des républicains – et une opinion publique – sceptiques sur la nécessité de fournir davantage d’aide à son pays.

Alors que la Maison Blanche a réclamé que la loi de finances votée par les élus comprenne 24 milliards de dollars d’aide militaire et humanitaire pour Kiev, une majorité des républicains de la Chambre, élus dans des districts trumpistes, sont radicalement opposés. « Je ne voterai pas pour donner un seul centime pour la guerre en Ukraine », a déclaré l’élue Marjorie Taylor Greene, proche de l’ancien président Donald Trump, sur X (ex-Twitter) mardi.

Au moment même où le président Zelensky vient aux Etats-Unis pour justifier la nécessité de rester ferme face à Poutine, les chefs républicains à la Chambre sont essentiellement en train de lui dire ''débrouille-toi'' », a dénoncé le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer.

Les Etats-Unis ont déjà accordé 113 milliards de dollars à l’Ukraine en 18 mois, soit environ les deux tiers du total de l’aide internationale et la contre-offensive ukrainienne s'enlise au grand dam des alliés qui commencent à douter de la stratégie militaire ukrainienne.




Garett Skyport pour DayNewsWorld