FACE A LA GUERRE DES GANGS BIENTOT L'INTERVENTION DE L'ARMEE DE SUEDE ?

Les autorités suédoises ne parviennent pas à endiguer une guerre des gangs qui dure depuis deux longues années et qui s’intensifie ces derniers jours. Le pays détient le taux d’homicide par arme à feu le plus élevé d’Europe.

Selon les décomptes de la chaîne de télévision publique SVT, 12 personnes sont mortes dans des fusillades et explosions en septembre, le mois le plus meurtrier des quatre dernières années

3 homicides en 24 heures

Le Premier ministre suédois a évoqué ce jeudi 28 septembre un renfort de l’armée pour venir à bout de l’escalade de violence entre des gangs qui a tué trois personnes en 24 heures et choqué le pays. « Je suis à vos côtés, nous pourchasserons les gangs et nous les vaincrons. Nous les traduirons en justice », a déclaré Ulf Kristersson lors d’une intervention télévisée dans la soirée.

Face à cet engrenage, le chef du gouvernement a estimé que "le droit suédois n’est pas conçu pour les guerres de gangs et les enfants soldats. Mais nous sommes en train de changer cela". Selon les décomptes de la chaîne de télévision publique SVT, 12 personnes sont mortes dans des fusillades et explosions en septembre, le mois le plus meurtrier des quatre dernières années.

Les vingt-quatre dernières heures ont été particulièrement meurtrières avec trois homicides, dont ceux d’un jeune de 18 ans et d’une femme de 25 ans.


Mobiliser l’armée

Les Sociaux-démocrates (gauche) et les Démocrates de Suède (extrême droite) ont proposé de mobiliser l’armée pour soutenir la police dans son travail de terrain. "J’ai convoqué le chef de la police nationale et le commandant en chef demain pour voir comment les forces armées peuvent aider la police à lutter contre les gangs", a réagi le Premier ministre.

Une première fusillade a eu lieu dans une banlieue aisée au sud de Stockholm peu avant 19 heures mercredi soir : un jeune homme a été tué par balle près d’un terrain de sport où des enfants s’entraînaient au football, selon la police nationale. Une enquête pour homicide a été ouverte et le terrain a été fermé jusqu’à vendredi.

"Des personnes innocentes sans aucun lien avec la criminalité organisée, dont plusieurs enfants venus à leur entraînement, ont été contraintes d’assister encore une fois à une fusillade impitoyable pendant laquelle un homme a été abattu", avait réagi, à chaud, le Premier ministre dès mercredi soir.

Une deuxième fusillade a eu lieu quelques heures plus tard, vers minuit, dans une autre banlieue sud de Stockholm, blessant deux personnes dont l’une est décédée des suites de ses blessures, selon la police. Trois hommes ont été arrêtés.

"Échec de l’intégration"

Et dans la nuit de mercredi à jeudi, aux alentours de 4 heures du matin, un engin explosif a tué une jeune femme de 25 ans dans la banlieue d’Uppsala. Cinq maisons ont été endommagées, a précisé la police sur son site.

"La criminalité a atteint une ampleur que nous n’avions jamais vue auparavant. La situation est grave à Uppsala, et dans tout le pays", a déclaré Catarina Bowall, une responsable de la police de la ville universitaire située à 70 km au nord de Stockholm. "Il est probable que cet événement ait un lien avec le conflit national" entre bandes criminelles, a ajouté la responsable.

Cette série de violences sans précédent est liée à une vague de représailles entre deux bandes criminelles qui se disputent le contrôle du trafic de drogues. Elle ébranle depuis plusieurs semaines le pays, qui peine à endiguer ces fusillades meurtrières et ces explosions -visant le plus souvent à intimider les membres de gangs rivaux et leurs proches - quasi quotidiennes.

Le Premier ministre s’en est également pris jeudi à "la naïveté et l’inconscience qui nous ont amenés ici. C’est l’immigration irresponsable et l’échec de l’intégration qui nous ont conduits" à cette situation, a-t-il affirmé.

M. Kristersson, à la tête des Modérés, a été l’artisan l’an dernier d’un rapprochement sans précédent avec l’extrême droite qui lui a permis d’accéder au pouvoir. Il est allié au Parlement avec le parti anti-immigration des Démocrates de Suède, qui n’ont cependant pas de ministre au gouvernement.

Les auteurs de ces violences sont de plus en plus jeunes et ces attaques ont fait plusieurs victimes collatérales ces dernières semaines.

En 2022, la Suède a connu 391 fusillades, dont 62 mortelles.

Les chiffres datent de 2022, une année noire, où les Suédois n’ont passé qu’une petite trentaine de jours sans qu’une fusillade n'éclate dans le pays. Tout indique que la Suède est sur les mêmes bases pour l’année 2023. Les renseignements affirment que la situation n’a pas été aussi dangereuse depuis l’après-guerre en 1945. 

Une violence cantonnée aux grandes villes, Stockholm, Malmö, Göteborg, mais qui se répand désormais dans tous les centres urbains. La police constate même qu’une nouvelle série de règlement de comptes est en cours : sept personnes assassinées en trois semaines. Le 11 septembre, la victime était un garçon de 13 ans.

Le gang de Foxtrot, celui du "Renard kurde"

D’après la police ce jeune adolescent faisait partie des 30 000 personnes impliquées dans le crime organisé et le trafic de drogue en Suède. Il a été abattu dans la banlieue sud de Stockholm. Il est l’une des nombreuses victimes d’une guerre interne au gang de Foxtrot, celui du "Renard kurde", un chef de faction agissant désormais depuis la Turquie. 

D’origine irakienne, Rawa Majid, en conflit avec l’un de ses anciens complices, a récemment fait assassiner la mère de celui-ci, une femme de 70 ans. C'est ce crime qui donne lieu aujourd’hui à cette escalade de violence à travers le pays.

Seuls 25% des crimes commis sont résolus

De nombreux débats s’ouvrent en Suède sur la circulation des armes, 100% de celles utilisées par ces gangs sont illégales. 

Il y a aujourd’hui une importante filière d’armes, en provenance des Balkans, fabriquées en impression 3D et donc impossible à tracer. L'autre préoccupation, c'est l’influence grandissante des gangs sur les pouvoirs publics qui expliquerait que seuls 25% des crimes commis soient résolus.

Mais la grande préoccupation, selon Ardavan Khoshnood, professeur de criminologie à l’université de Lund, c’est l’âge de ceux qui sont en possession des armes, de plus en plus des mineurs. "Pour chaque mort en Suède, vous avez entre trois et quatre jeunes individus dans la file d’attente pour prendre le relais. 

La priorité, c’est de stopper la filière de recrutement des gangs. La plupart des nouvelles recrues sont des enfants, donc il faut mettre en place une meilleure collaboration entre les écoles, la police et les services sociaux si l’on souhaite inverser cette courbe mortifère", a déclaré le criminologue suédois. 

85% des délinquants impliqués dans ces affrontements entre gangs sont issus de l’immigration et des quartiers.   




Alize Marion pour DayNewsWorld