ARMENIE - AZERBAIDJAN

DES VEHICULES BLINDES BASTION ENVOYES 

PAR LA FRANCE

Emmanuel Macron avait affirmé, le 11 octobre 2023, que la France "ne lâchera pas" l'Arménie après la conquête de l'Artsakh (Haut-Karabakh) par l'Azerbaïdjan, aujourd'hui accusé de "nettoyage ethnique".

Pour anticiper toute future attaque, Paris a dépêché 24 véhicules blindés de transport de troupes de la marque Arquus, connus sous le nom de Bastion, comme révélé dans un rapport du Sénat.

Ce contingent sera renforcé par 26 autres véhicules du même type actuellement en production, selon les informations divulguées dans ce rapport sénatorial en lien avec le projet de loi de finances pour 2024 d'Hugues Saury et d'Hélène Conway-Mouret.

Le document confirme la véracité de plusieurs images circulant sur les réseaux sociaux, montrant des Bastion au port de Poti, en Géorgie. Ces véhicules, d'un poids de 12,5 tonnes, ont une capacité d'emport de 10 personnes, dont 8 à l'arrière, et sont équipés d'une mitrailleuse de 12,7 mm ou de 7,62 mm. Le blindage offre une protection contre les éclats, les mines et les munitions de calibre 7,62 mm.

Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères, avait "donné son accord" à la livraison de matériel militaire à l'Arménie "pour qu'elle puisse assurer sa défense", lors de sa visite à Erevan le 3 octobre dernier.

A son tour, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, avait annoncé un contrat entre Thales, le missilier MBDA et l'Arménie le 23 octobre. Les sénateurs précisent qu'il s'agit d'une livraison de missiles sol-air MISTRAL 3. Ils recommandent également d'étudier rapidement la livraison de systèmes d'artillerie CAESAR, compte tenu de l'efficacité de ce matériel et des nouvelles capacités de production de Nexter en 2024

L'armée arménienne avait acquis trois radars Ground Master (GM200) de Thales, capables de détecter des aéronefs ennemis à 250 kilomètres, qu'ils volent à basse altitude comme les drones, ou à haute altitude comme les avions de combat. Le 26 septembre, la France avait annoncé son intention de "renforcer sa coopération de défense avec l'Arménie".

Un attaché de défense sera présent à l'ambassade de France à Erevan, selon le quai d'Orsay. Ces accords suscitent cependant l'opposition du président azéri, Ilham Aliyev, qui accuse la France de participer à "une escalade". Il a ajouté que si un nouveau conflit éclatait dans la région, la France en serait responsable.

Le triomphe de la Realpolitik ?

On aurait pu penser qu'au XXIe siècle, l'ère du nettoyage ethnique pour résoudre des conflits territoriaux était révolue. Pourtant, l'Azerbaïdjan Et pourtant...c'est ce qui vient de se passer dans le Haut-Karabakh.

Ilham Aliev a jugé que les conditions étaient propices pour mener à bien cette entreprise. La Russie avait déployé en novembre 2020 une force de maintien de la paix dans le Haut-Karabakh pour garantir le statu quo censé assurer la présence arménienne, mais elle était désormais trop préoccupée en Ukraine.

En totale convergence avec Bakou, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, afin de contrer les avancées dans les négociations arméno-azerbaïdjanaises initiées par les Occidentaux, a fini par concéder que les Arméniens du Haut-Karabakh devaient accepter les assurances de l'Azerbaïdjan et s'intégrer sans les garanties de droit et de sécurité exigées par l'Arménie et l'Union européenne. 

Lors de l'attaque azerbaïdjanaise le 19 septembre, les soldats russes se sont simplement retirés de leurs positions, laissant les Arméniens à leur triste sort.

L'UE, qui s'était félicitée de ses accords gaziers conclus avec l'Azerbaïdjan à l'été 2022 pour contourner la dépendance au gaz russe, tout en se présentant comme une médiatrice alternative dans les négociations sur le Haut-Karabakh, longtemps dominées par Moscou, a feint de ne rien voir venir. Ilham Aliev aurait apparemment assuré à ses interlocuteurs occidentaux qu'il n'attaquerait pas le Haut-Karabakh. 

Ainsi, l'Union s'est retrouvée dans une position embarrassante lorsque l'exode des Arméniens battait son plein.

Non seulement le gaz importé de la Caspienne ne sert pas à pénaliser la Russie, mais en partie, c'est du gaz russe estampillé azéri qui parvient à l'UE. Une fois obtenu ce qu'il désirait du format européen, l'Azerbaïdjan s'est tourné entièrement vers la Russie, fustigeant toute tentative de médiation occidentale.

La guerre profite au régime autoritaire d'Ilham Aliev, qui présente la victoire de 2020 contre les Arméniens comme un triomphe dans une guerre patriotique. De nombreux monuments glorifiant le président ont émergé en Azerbaïdjan, symbolisant un triomphalisme personnalisé, notamment des poings de fer massifs, sur les territoires repris aux forces arméniennes.

La région méridionale du Syunik ouvertement convoitée par Ilham Aliyev

Dans un contexte où la politique du conflit permanent avec l'Arménie maintient le monopole absolu du pouvoir en Azerbaïdjan, une normalisation avec Erevan semble improbable pour les autorités azerbaïdjanaises. Le gouvernement arménien, soucieux d'éviter une guerre sur son sol, a adopté une stratégie de concessions. Celle-ci a abouti à l'expulsion des Arméniens du Haut-Karabakh.

Aujourd'hui, la région méridionale du Syunik est ouvertement convoitée par le président azéri Ilham Aliyev pour établir une continuité territoriale avec l'exclave du Nakitchevan, créant ainsi le "corridor de Zanguezour". Cela réaliserait un vieux rêve panturc du "monde turc", reliant la Turquie, l'Azerbaïdjan à l'Asie centrale. Après la chute de l'Artsakh en octobre, des inquiétudes subsistent quant à une possible offensive de Bakou dans cette région. 

De plus, cette région, riche en cuivre, zinc et molybdène, couperait Erevan de son allié iranien.

Malgré l'initiative diplomatique récente du Premier ministre arménien Nikol Pachinian visant à établir un réseau de connexions routières à travers le Caucase du Sud avec son projet de "carrefours de la paix", de nombreuses tensions persistent entre les parties 

Hovhannès Guévorkian, représentant du Haut-Karabakh en France, a mis en garde : "Les Azéris s'attaqueront demain à l'Arménie".

L'accord de cessez-le-feu de 2020, suite à l'offensive azérie victorieuse au Haut-Karabakh, prévoyait une garantie arménienne des liaisons économiques et de transports entre les deux parties de l'Azerbaïdjan séparées par l'Arménie, via le Syunik. Cependant, Bakou rejette la souveraineté arménienne sur ce "corridor du Zanguezour".

L'Arménie, dont la relation avec la Russie est au plus bas, cherche des garanties de sécurité en Occident et tente de se réarmer auprès d'autres acteurs tels que la France et l'Inde.

Cependant, face à une alliance Bakou-Moscou-Ankara contre l'Arménie, une éventuelle aide matérielle de l'Occident semble douteuse, surtout à la lumière des développements au Proche-Orient. L'Azerbaïdjan apparaît comme un maillon important de l'alliance occidentale contre l'Iran, et ses liens solides avec Israël, notamment dans les secteurs de l'armement et de l'énergie, compliquent davantage la situation, selon la chercheuse Anita Khachaturova.




Alize Marion pour DayNewsWorld