MYSTERE AUTOUR DE LA MORT DE PRIGOJINE

PATRON DU GROUPE WAGNER

"C’est un mensonge absolu", dit le Kremlin. Non, Vladimir Poutine n’est pas à l’origine de l’accident d’avion qui aurait coûté la vie à Evguéni Prigojine, chef du groupe paramilitaire Wagner, a affirmé vendredi 25 août Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe. "Il faut aborder cette problématique en se basant sur des faits".

Trois jours après l’accident, les faits, eux, demeurent toujours aussi incertains.

Une fumée noire, un bruit d’explosion et un avion qui tombe. Mercredi 23 août, en début de soirée, un avion privé devant relier Moscou à Saint-Pétersbourg s’est écrasé près du village de Kujenkino, à 200 km au nord-ouest de Moscou. 

Dix personnes se trouvaient à bord et aucune n’a survécu.Le chef du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine, faisait partie de la liste des passagers, rapporte les agences de presse russes, Ria Novosti, TASS et Interfax .

Vendredi soir, les corps des dix personnes présentes dans l’avion ont été retrouvés selon les enquêteurs russes, ainsi que les enregistreurs de vol de l’appareil.

"Des analyses génétiques moléculaires sont en cours pour établir leur identité […], et un examen détaillé des lieux", a déclaré le Comité d’enquête russe sur Telegram. Mercredi, deux heures après l’accident d’avion, la milice privée dont Prigojine était le patron, a confirmé son décès sur Telegram.

"Un travail trop brutal et amateur"

Plus tôt dans la journée, le Kremlin avait formellement démenti les soupçons qui accusent Vladimir Poutine depuis trois jours, deux mois après la rébellion avortée de Evguéni Prigojine.

"Actuellement, autour de la catastrophe aérienne et des morts tragiques de passagers, notamment d’Evguéni Prigojine, il y a beaucoup de spéculations et on sait bien dans quelle direction on spécule en Occident", a dit Dmitri Peskov. 

Le porte-parole du président russe a été interrogé sur les insinuations de dirigeants occidentaux selon lesquelles le Kremlin aurait ordonné l’assassinat de M. Prigojine. 

Il estime que le sujet doit être abordé "en se fondant sur des faits. Il n’y en a pas encore beaucoup, parce qu’ils doivent encore être élucidés par l’enquête en cours. Hier, à ce propos, le président [Vladimir Poutine] a déclaré qu’il attendait les conclusions de l’enquête dans un avenir proche", a-t-il poursuivi.

Questionné sur la confirmation du décès et l’identification du corp d’Evgueni Prigojine, M. Peskov a répondu : 

"Si vous avez écouté attentivement la déclaration faite hier par le président de la [Fédération de] Russie, il a dit que toutes les expertises nécessaires seront effectuées, y compris les analyses ADN. Dès que les conclusions officielles seront prêtes pour publication, elles seront publiées". 

Le président bélarusse Alexandre Loukachenko a lui aussi réfuté les accusations contre la Russie ce vendredi.

"Je connais Poutine", a affirmé l’homme d’Etat, cité par l’agence de presse d’État Belta. 

"C’est un homme réfléchi, très calme […] Je ne peux donc pas imaginer que ce soit lui qui ait fait ça", a fait valoir le fidèle allié de Vladimir Poutine. Selon lui, le crash de l’avion était "un travail trop brutal et amateur", pour mettre Poutine en responsable.

Mais à Washington, Paris, Berlin ou Kiev, les hauts responsables ne semblent pas voir les choses du même œil. Jeudi, les États-Unis ont estimé probable que Vladimir Poutine ait causé la mort d’Evguéni Prigojine. 

Mais l’armée américaine a affirmé ne disposer "d’aucune information indiquant qu’un missile sol-air" était impliqué dans le crash de mercredi, a déclaré le porte-parole Pat Ryder. En France, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna commentait ironiquement jeudi sur "le taux de mortalité parmi les proches de Poutine est particulièrement élevé".

Quel avenir pour Wagner ?

Sans chef à sa tête, l’empire Wagner a-t-il des chances de survie, s’interrogent de nombreux spécialistes et dirigeants du monde ? 

Moscou en tout cas, n’aura pas attendu très longtemps pour recadrer les milliers de paramilitaires du groupe Wagner. 

Vendredi, le président russe les a obligés par un décret présidentiel de prêter serment à la Russie, comme le font les soldats de l’armée régulière. Ils devront notamment jurer "fidélité" et "loyauté" à la Russie, "suivre strictement les ordres des commandants et des supérieurs" et "respecter de manière sacrée la Constitution" russe . 

Mais c’est encore une "marque" très puissante, qui ne disparaîtra pas forcément, et des milliers de combattants s’identifient toujours à cet écusson, mais la milice – telle qu’elle existait ces dernières années – a cessé d’exister avec la mutinerie, et plus encore avec la mort de son chef.

Pour Ruslan Trad, chercheur au sein du centre de réflexion américain Atlantic Council, Moscou n’a effectivement aucun intérêt à dissoudre l’organisation. Selon lui, Wagner "dispose d’un modèle performant – dans plusieurs domaines commercial, du renseignement et militaire – qui sert la politique étrangère russe et les efforts anti-sanctions du Kremlin". 

Wagner en Centrafrique, c’est plus que des hommes avec des kalachnikovs – ce sont des consultants politiques, des médias sous contrôle, de l’exploitation minière, des trolls sur Internet… 

Et chaque activité renforce l’autre. Joana de Deus Pereira, chargée de recherche au Royal United Services Institute, estime elle aussi que Moscou ne saurait se passer de Wagner, mais sous une forme nouvelle, "probablement sous un autre nom".

"Nous devons considérer Wagner […] comme une hydre à plusieurs têtes", souligne-t-elle, interrogée par la BBC.


Alize Marion pour DayNewsWorld