GREVE EN FRANCE BRAS DE FER ENTRE SYNDICATS ET GOUVERNEMENT POUR LA REFORME DES RETRAITES

La réforme des retraites se présente comme le premier test social de grande envergure du second quinquennat d’Emmanuel Macron. Après plusieurs semaines d’attente, l’annonce officielle du contenu de la réforme, le 10 janvier, change finalement peu de choses : les lignes de fracture entre le gouvernement et les organisations syndicales sont plus importantes que jamais.

D’un côté, les différents ministres, Élisabeth Borne en tête, ont multiplié ces dernières semaines les interventions publiques pour justifier cette réforme comme un impératif budgétaire, tandis que les secondes ont répété à l’envie leur opposition à tout report de l’âge légal de départ à la retraite, finalement prévu à 64 ans à l'horizon 2030.

Dans ces conditions, les appels à la « mobilisation » des salariés se sont faits de plus en plus insistants, de premières journées d'action étant à prévoir dès la semaine du 16 janvier. Qu’attendre du conflit social qui s’annonce ?

Un million de manifestants

D'importants cortèges se déroulaient jeudi dans toute la France pour contester le projet de réforme de retraites du gouvernement tandis que des appels à la grève fortement suivis perturbaient notamment les transports publics. Selon une source policière, le million de manifestants en France sera dépassé

Une source policière a affirmé que le million de manifestants en France sera dépassé, alors que le comptage officiel des autorités sera donné en fin de journée ce jeudi.

La CGT annonce 400.000 manifestants mobilisés contre la réforme des retraites à Paris ce jeudi. Pour rappel, lors de la manifestation du 5 décembre 2019, premier jour de mobilisation contre la précédente réforme, le syndicat avait décompté 250.000 personnes.

Réforme « juste et responsable »

Le président de la République a été interrogé depuis l'Espagne ce jeudi 19 janvier 2023 sur la grève du 19 janvier contre la réforme des retraites. « C'est une réforme qui a été démocratiquement présentée lors de l'élection présidentielle et des élections législatives. Elle a été étudiée avec les organisations syndicales et elle a été validée par le gouvernement. C'est une réforme juste et responsable. La France est un peu décalée par rapport aux autres pays sur le sujet et si l'on veut être juste entre les générations, on doit faire cette réforme ».

Emmanuel Macron avait été interrogé précisément sur la question d'un référendum après le succès annoncé des manifestations de ce 19 janvier. Il n'a pas répondu à cette question se contentant de préciser que la « réforme se fera », dans un « esprit de dialogue mais avec responsabilité ».

Le chef de l'Etat a jugé « bon et légitime que toutes les opinions puissent s'exprimer » mais appelé à des manifestations dans le calme. « Je fais confiance aux organisateurs de ces manifestations pour que cette expression légitime de désaccord puisse se faire sans créer trop de désagréments pour l'ensemble de nos compatriotes et évidemment sans débordement ni violence ni dégradation », a-t-il ajouté.

Un front syndical uni

Au fil des années, le recours à la grève tend ainsi à se recentrer sur un noyau de plus en plus réduit de salariés, dans les services publics ou dans certains secteurs industriels, tandis qu’il se réduit à la portion congrue dans de larges fractions du monde du travail, notamment dans les métiers des services et dans les petites et moyennes entreprises. La dernière grande mobilisation interprofessionnelle de l’hiver 2019-2020, largement portée par les agents des transports publics, l’a bien mis en évidence. Un retour en force du conflit salarial

Malgré son affaiblissement, le syndicalisme demeure un acteur incontournable de la conflictualité sociale. Au moins pour le moment, le conflit qui s’ouvre réunit de surcroît – pour la première fois depuis 2010 – l’ensemble des organisations syndicales, déjà échaudées par la réforme de l’assurance-chômage et dont les militants rejettent massivement toute idée d’allongement de la durée du travail. Pour la première fois depuis 12 ans donc, les huit principaux syndicats appelaient d'une même voix les Français à descendre dans la rue.

Les retraites et l’enjeu de la repolitisation syndicale

Ainsi la réforme des retraites place les organisations syndicales sur une ligne de crête, en les enjoignant à relever un double défi d’ampleur. D’un côté, celui de tirer profit d’un cadre unitaire exceptionnel pour construire une mobilisation la plus large et la plus durable possible, en tenant compte du morcellement du monde du travail et en allant au-delà de journées d’action sans lendemains.

De l’autre, celui de réinscrire le refus de la réforme, massif et indissociable parmi l’opinion d’une opposition générale à la politique gouvernementale.




Andrew Preston pour DayNewsWorld