DERRIERE LA GUERRE DES BALLONS SE JOUENT

 DES ENJEUX DE PREMIERE PUISSANCE

ENTRE CHINE ET LES ETATS-UNIS

Une série aux allures de fiction à succès tient le monde en haleine. Depuis dix jours, le gouvernement américain dit avoir neutralisé quatre engins volants. Le dernier date de dimanche avec la destruction d'un nouvel "objet" au-dessus du lac Huron.

Près d’une semaine après qu’un avion de chasse américain a abattu un ballon espion chinois au-dessus de l'Atlantique, un nouvel objet volant a été abattu dimanche 12 février 2023. Le Pentagone a déclaré ce dimanche que des équipes américaines et canadiennes préparaient une opération pour tenter de récupérer le quatrième objet.

Les trois premiers engins volants ont été abattus par des chasseurs F-22 américains à l’aide de missiles AIM-9X, selon les autorités. Le premier objet volant était un ballon chinois, haut d’environ 60 mètres, et "portait une sorte d’énorme nacelle pesant plus d’une tonne", d’après le Pentagone. 

Sa taille serait comparable à celle de trois autobus. Un haut responsable du département d’État américain a indiqué que l’appareil avait "de nombreuses antennes, un ensemble probablement capable de collecter et de géolocaliser des communications", et qu’il était "équipé de panneaux solaires assez larges pour fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement de multiples capteurs collectant du renseignement", a rapporté le Pentagone dans un communiqué de presse.

Le lundi 13 février 2023, c’est au tour de la Chine d’accuser les États-Unis d’avoir fait voler "illégalement" des ballons dans son espace aérien . "Rien que depuis l'année dernière, des ballons américains ont survolé la Chine à plus de dix reprises sans aucune autorisation", a indiqué devant la presse un porte-parole de la diplomatie chinoise Wang Wenbin. Washington a rapidement rejeté les accusations de Pékin. La Chine a d'ailleurs annoncé dimanche 12 février 2023 qu’elle avait repéré, à son tour, un ballon suspect au large de ses côtes.

Episode d’espionnage à haute altitude ?

Pour Washington, pas de doute, ce sont des ballons- espions chinois, entrés sur le territoire américain depuis plusieurs jours déjà. Pékin réplique qu'il s'agit d' aéronefs civils utilisés à des fins de recherches, principalement météorologiques. Toujours est-il que les débris de ses différents objets abattus seront analysés. 

Un responsable du FBI, agence chargée de les examiner, a d'ailleurs récemment indiqué que seule une "petite partie" des équipements de surveillance du premier ballon avait été récupérée. Ils sont examinés dans les laboratoires de la police fédérale à Quantico, en Virginie, a-t-il ajouté.

Possible lien avec les tensions autour de Taïwan

Selon des spécialistes, les renseignements américains et canadiens reçoivent en continu d'énormes quantités de données et sont particulièrement à l'affût de potentiels missiles, pas d'objets lents comme des ballons. 

La secrétaire adjointe à la Défense des Etats-Unis, Melissa Dalton, a déclaré dimanche qu'après la détection du ballon chinois, la défense aérienne américaine a ajusté ses systèmes radar afin de pouvoir détecter des objets plus petits et se déplaçant plus lentement.

Les Etats-Unis estiment que le ballon était contrôlé par l'armée chinoise et faisait partie d'une flotte envoyée par Pékin au-dessus de plus de 40 pays sur cinq continents, à des fins d'espionnage. Pour certains analystes, cela pourrait être le début d'une opération majeure d'espionnage chinoise pour recenser les capacités militaires étrangères, avant une possible montée des tensions autour de Taïwan dans les années à venir.

Une véritable mission d’espionnage de haut vol, comme l'ont assuré dans la presse des responsables américains, ou un simple ballon scientifique brinquebalé par les vents ? 

Au-delà de la passe d’armes entre les deux pays, l’incident rappelle que ces engins, utilisés depuis plus de cinquante ans pour effectuer des mesures atmosphériques (ozone, CO2, méthane…), peuvent aussi répondre à des usages moins innocents.

Les ballons stratosphériques d’aujourd’hui sont très performants: ils évoluent entre 18 et 40 kilomètres d’altitude et le diamètre des plus imposants peut atteindre 130 mètres, pour un volume de 800 000 m3. 

Les plus grands ballons sont aujourd’hui capables de porter une tonne de charge utile. Quant à l’autonomie, elle peut être poussée jusqu’à trois mois environ. Idéales pour effectuer des mesures scientifiques, mais aussi des opérations de surveillance…

Une course féroce à l’innovation technologique

Mais le point le plus important selon le Wall Street Journal, c’est que ce n’est pas juste une question d’objets volants non identifiés mais surtout une nouvelle étape dans la rivalité entre les États-Unis et la Chine.

Une rivalité qui monte en puissance: le Wall Street Journal rappelle que vendredi dernier, le Département du Commerce des Etats-Unis a ajouté de nouvelles sociétés chinoises à la liste des groupes avec lesquels les entreprises américaines n’ont plus le droit de commercer.

Washington essaie ainsi de mettre en place un glacis pour entraver le développement technologique de la Chine. Outre les mesures prises contre Huawei et d’autres grandes entreprises chinoises, les États-Unis ont imposées en novembre 2022 des restrictions drastiques à l’exportation des semi-conducteurs de pointe, au nom de "la sécurité nationale". 

Des mesures inédites qui "visent à bloquer tout le système d’innovation chinois" et dont les conséquences - encore dures à évaluer - pourraient être lourdes pour Xi Jinping qui affiche sa volonté de hisser son pays à la première place des puissances mondiales dans tous les domaines d’ici 2049 - année du centenaire de la prise du pouvoir par les communistes - notamment dans la tech, un secteur au cœur des ambitions américaines.

Alors qu’est-ce qui relève de la guerre commerciale ou de l’espionnage ?

"Il y a une zone grise entre les deux, analyse Marc Julienne dans l'article de notre confrère Shirley Sitbon. Pour les Américains, empêcher les Chinois à progresser technologiquement est une question de sécurité".

Un flou aussi entretenu par le système chinois, où les liens entre le gouvernement et les entreprises privées sont parfois difficiles à déterminer tant ils peuvent être imbriqués d’une façon ou d’une autre.

Cette guerre de ballons ne fait que raviver les vives tensions entre ces deux puissances rivales que sont les Etats-Unis et la Chine pour une première place mondiale...




Joanne Courbet pour DayNewsWorld