FAUT-IL S'INQUIETER DE LA MENACE DE PENURIE D'ENERGIE ?

Faut-il que la pénurie menace pour que les grands énergéticiens français EDF, TotalEnergies et Engie, dans une tribune commune publiée dans le Journal du dimanche, dimanche 26 juin 2022, en appellent à la sobriété, au nom de la cohésion sociale ?.

Faut-il que l’heure soit grave que le ministre de l’Economie présente ladite sobriété comme un passage obligé », sans alternative ?

Trois jours plus tôt, lors d’une visite dans un centre de commande national de gaz en Ile-de-France,Elisabeth Borne, accompagnée d’Agnès Pannier-Runacher, avait déjà planté le décor. « Nous devons faire preuve de sobriété énergétique. Je ne sais pas si c’est le bon terme, mais en tout cas nous devons réduire de 40 % d’ici à 2050 » appellent à la sobriété. Une feuille de route devrait s’appliquer dès cet été à l’Etat, aux administrations et aux grandes entreprises.

Voilà que les énergéticiens se transforment en « pères la morale ». « Nous appelons à une prise de conscience et à une action collective et individuelle pour que chacun d’entre nous change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers », ont écrit Jean-Bernard Lévy et Patrick Pouyanné, PDG d’EDF et de TotalEnergies, ainsi que Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, dans une tribune parue dans le Journal du dimanche

Dans la tribune du JDD, les trois dirigeants des fournisseurs d'énergie français appellent donc à « un effort collectif et immédiat » pour éviter un hiver sous tension. Les trois appellent les Français à réduire « immédiatement » leur consommation de carburant, d'électricité et de gaz. Selon les trois fournisseurs d'accès d'énergie en France, les risques de pénurie et la flambée des prix sont tels qu'ils vont jusqu'à menacer « la cohésion sociale » l'hiver prochain.

En effet « depuis maintenant des mois, le système énergétique européen subit de fortes tensions et le système énergétique français n'est pas épargné », exposent Catherine MacGregor, directrice générale d'Engie, Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF, et Patrick Pouyanné, président-directeur général de TotalEnergies. « Agir dès cet été nous permettra d'être mieux préparés pour aborder l'hiver prochain, et notamment préserver nos réserves de gaz.

Ces tensions s'expliquent par la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales, d'abord. Les livraisons de gaz russe par gazoduc ont « fortement baissé pour certains pays, dont la France ». « Bien qu'en augmentation, les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) sont aujourd'hui encore trop limitées pour compenser ces baisses. Le niveau d'alerte sur les stocks de gaz au niveau européen est dès lors élevé et des mesures de rationnement sont mises en place dans certains pays », soulignent-ils.

Aussi le marché pétrolier mondial pourrait-il connaître des tensions entre le niveau de production et la demande durant l'été. Aux Etats-Unis, on entre dans la 'driving season', la période de l'année où les déplacements automobiles sont les plus importants, car les gens partent en vacances. Et donc celle où on a besoin de plus de carburant automobile. En Chine, l'assouplissement des confinements drastiques imposés à certaines villes va entraîner un retour à la normale des déplacements, et donc une augmentation de la demande pétrolière.

La météo y est aussi pour quelque chose. « Les conditions climatiques et la sécheresse viennent amputer la production hydraulique », écrivent les trois dirigeants dans leur tribune. Une grande partie du parc nucléaire français nécessite effectivement l'eau des rivières pour être refroidi. Par conséquent, un niveau des cours d'eau trop bas, comme cela a été le cas début juin par exemple dans le Rhône, peut mettre en péril ces activités.

A ces causes viennent s'ajouter d'autres handicaps comme le laissait entendre le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) il y a deux semaines auprès de TF1. « Nous nous trouvons en effet dans une période charnière, marquée par une série d'événements à gérer : la fermeture des centrales au fioul et à charbon, celle [nucléaire] de Fessenheim, mais aussi du retard quant au développement d'autres modes de production », note RTE.

De plus au 24 mai, 27 des 56 réacteurs nucléaires français étaient à l'arrêt, selon EDF. Soit près de la moitié. Une situation sans précédent, qui s’explique par des fermetures planifiées mais également par un problème imprévu de corrosion. Alors que la moitié du parc nucléaire est à l’arrêt, le ministère de la Transition énergétique se réserve d’ailleurs « la possibilité de faire fonctionner la centrale [ à charbon] de Saint-Avold quelques heures de plus si nous en avons besoin l’hiver prochain ».

En fait le risque de pénurie plane si bien qu'à court terme , toute économie de gaz ou d’électricité faite aujourd’hui permettra de sécuriser les stocks pour l’hiver.  A moyen terme, le gouvernement afficherait des intentions plus ambitieuses. « L’objectif, c’est une feuille de route qui nous permette de réduire de 10 % la consommation d’énergie par rapport à notre référentiel habituel d’ici deux ans », a précisé la ministre de la Transition énergétique. Ce qui correspond à « la première marche du scénario de RTE, qui vise une réduction de 40 % d’ici à 2050 ».

La France n'est cependant pas le seul pays concerné . Pour compenser les baisses de livraisons de gaz russe, l'Allemagne va par exemple retourner au charbon. Un recours provisoire, promet le ministre de l'Economie et du Climat allemand, qui reconnaît qu'il s'agit d'une décision amère. La prolongation de certaines centrales sera une mesure à court terme, sur une période "limitée", jusqu'en mars 2024, assure Berlin.

D'autres pays d'Europe ont récemment annoncé des mesures similaires. L'Autriche, également dépendante du gaz russe, a également acté le redémarrage prochain d'une centrale à charbon désaffectée, afin de pouvoir pallier une éventuelle pénurie.

Dernier exemple en date : les Pays-Bas. Jusqu'ici, les centrales électriques au charbon néerlandaises ne pouvaient fonctionner à plus de 35% de leur capacité, selon une loi en vigueur depuis janvier 2022 pour réduire les émissions de CO2 du pays. Elles peuvent désormais « fonctionner à pleine capacité », a annoncé lundi 20 juin le ministre de l'Environnement et de l'Energie néerlandais, Rob Jetten.

Alors qu’elle prône la sobriété énergétique, Elisabeth Borne a annoncé jeudi dernier la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année. Un bon signal pour inciter à réduire sa consommation?




Alize Marion pour DayNewsWorld