DES RISQUES DE CRISE SOCIALE

FACE A LA LA BAISSE DU POUVOIR D'ACHAT

C’est le premier sujet de préoccupation des Français, celui qui a occupé une majeure partie de la campagne et restera au cœur de l’attention du président: le pouvoir d’achat. En la matière, Emmanuel Macron n’entame pas son second quinquennat doté d’un grand crédit. Fin mars, 74 % des Français estimaient que leur pouvoir d’achat s’était dégradé depuis son élection en 2017…C'est que l'inflation en France a bondi de 4,8 % sur un an en avril après 4,5 % un mois plus tôt selon l'estimation provisoire publiée ce vendredi matin par l'Insee.

La progression des prix en France continue d'être tirée par l'envolée des cours des hydrocarbures exacerbée par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Sur douze mois, les prix de l'énergie augmentent encore de 26,6 %. Mais la hausse se nourrit aussi d'une « accélération des prix des services, de l'alimentation et des produits manufacturés », précise l'Insee.

Un impact évalué entre 168 euros et 421 euros

L'Hexagone redécouvre donc une valse des étiquettes sans précédent depuis le début des années 1980 et qui risque de durer. Après l'entrée en vigueur des accords commerciaux entre les producteurs et la grande distribution - qui font d'ailleurs l'objet d'une renégociation -, les prix des produits alimentaires s'envolent de 3,8 %, contre 2,9 % en mars. Les produits frais flambent de 6,6 %.

A elle seule, la hausse des prix alimentaires « pourrait amputer le pouvoir d'achat des ménages de 0,4 % à 1,1 % cette année, soit entre 168 euros et 421 euros avec « un impact trois fois plus important pour les 10 % les plus modestes par rapport aux 10 % les plus aisés », ont calculé les économistes d'Asterès. Mais les prix des services augmentent également, de 2,9 %.

«Les chocs de prix se propagent sur l'ensemble de l'économie, ce qui n'est pas de bon augure», résume Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management.

Baisse de la croissance

L'inflation risque d'entraîner des pertes de pouvoir d'achat même si l'exécutif a multiplié les dispositifs sous forme de « plan de résilience » pour aider des Français à passer cette période difficile. Chèque énergie, puis bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l'électricité.. .

En conséquence, la consommation des ménages est en baisse, et la croissance du PIB est nulle au premier trimestre 2022 en France, toujours selon l’Insee. En mars, la consommation a chuté de 1,3 % mettant à l'arrêt la croissance française au premier trimestre, a annoncé ce vendredi l'Insee.

Après avoir culminé à 7% en 2021, la croissance économique risque de marquer le pas dans les prochains mois. La plupart des instituts de prévision ont dégradé récemment leurs chiffres de croissance du PIB pour 2022.

« Pour le prochain gouvernement, l'équation va être très compliquée. Il devra gérer les effets de cette inflation sur le pouvoir d'achat des ménages », souligne l'économiste de Ostrum Asset Management Philippe Waechter. « Comme aucun gouvernement ne veut rentrer dans des procédures d'indexation, il y a forcement des pertes de pouvoir d'achat et donc des inégalités qui vont augmenter », rappelle-t-il.

Sur ce point, la hausse des prix des carburants ces dernières semaines a accentué les disparités territoriales en France. Tous les ménages vivant dans des zones rurales et dépendant de la voiture se retrouvent de fait pénalisés par la hausse des prix des carburants. Même si le gouvernement a mis en œuvre plusieurs mesures comme la remise de 18 centimes sur les prix du carburant ou encore le chèque inflation, ces dispositifs non ciblés profitent à un grand nombre de ménages sans distinction.

Plusieurs travaux récents d'économistes ont montré que ces mesures pouvaient creuser le fossé entre les catégories de population alors que ceux en bas de l'échelle sont les plus exposés.

Un risque accru de tensions sociales

Le prochain gouvernement aura également la lourde tâche de juguler les fortes tensions sociales si l'inflation se poursuit dans les prochains mois. Déjà au cours de la campagne présidentielle, de nombreuses opérations escargots et blocages de dépôts de carburants ont eu lieu sur tout le territoire. La grogne pourrait s'amplifier à mesure que l'activité économique marque le pas.La crise des gilets jaunes en 2018 et les multiples manifestations à l'encontre de la réforme des retraites ont montré que les tensions sociales étaient loin d'être apaisées sous la Macronie.

« L'inflation a généré des crises politiques tout au long du 20ème siècle. L'inflation a débouché sur des crises sociales dans beaucoup de pays », rappelle Anne-Sophie Alsif.




Abby Shelcore pour DayNewsWorld