L'AUSTERITE UN MAL NECESSAIRE

QUE GOUVERNEMENT ET FRANCAIS REFUSENT

Aujourd’hui, la dette de l’Hexagone est lourde : 111,6% du PIB fin 2022, que Bruno Le Maire souhaite abaisser à 108,3% en 2027.

Pour réduire l’endettement de la France, 10 milliards d’euros d’économies d’ici 2027 sont donc à l’ordre du jour, à piocher à volonté dans la protection sociale ou la santé, ou encore en misant sur les nouvelles réformes, comme celle des retraites ou de l’assurance chômage

Les coups de rabot sont une spécialité française. Depuis 2007, les acronymes se succèdent. La RGPP avec Nicolas Sarkozy, la MAP de François Hollande, puis, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le plan CAP 2022, sont autant de lancers ratés – ou semi-ratés - pour redresser les comptes dégradés de la France.

Que le budget 2024 permette de réaliser « au moins 10 milliards d’euros d’économie » comme l’affirme le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, la Cour des comptes semble pourtant en douter. Hypothèses économiques trop optimistes, rentrées fiscales qui diminuent, besoin de financer une transition verte, les magistrats financiers estiment les efforts promis insuffisants. Et le professeur d'économie Jean-Marc Daniel nous livre une analyse brillante à ce sujet dans un article de TheConversation.

Des efforts insuffisants

Lorsqu'on analyse les finances publiques de la France, on constate d'emblée une augmentation spectaculaire du poids des dépenses par rapport au PIB. Celui-ci est passé de 34,7 % en 1960 à 55,4 % en 2019, juste avant la pandémie de Covid-19, et à 59 % en 2021, après la période de confinement.
Cette évolution semble traduire un refus implicite de la population d'accepter la réalité des charges publiques ou du moins une volonté explicite du gouvernement de ne pas confronter la population à cette réalité. La conséquence la plus tangible est une augmentation constante de la dette publique. Au premier trimestre 2023, celle-ci a dépassé le seuil symbolique des 3 000 milliards d'euros, soit 112 % du PIB. Au moment de l'introduction de l'euro en 2002, la dette s'élevait à 936 milliards d'euros, ce qui représente plus que trois fois son montant actuel.

Il est fort probable cependant que la population ait compris qu'une augmentation des dépenses publiques aujourd'hui devra être financée ultérieurement. Cela a engendré un réflexe d'épargne pour faire face à cet avenir fiscal incertain : il vaut mieux constituer des réserves au moment où un effort sera demandé. Cette tendance a conduit à une augmentation du prix des actifs. Les bulles immobilières et le retour en force de l'or sont les manifestations les plus évidentes de cette situation. Le taux d'épargne des ménages, qui était de 14,5 % en 2003, s'élève désormais à 18,3 %.
Ce mécanisme, connu sous le nom d'"équivalence ricardienne", a été mis en évidence en 1974 par l'économiste américain Robert Barro dans un article intitulé "Are Government Bonds Net Wealth?". Barro énonce le "théorème de Barro-Ricardo", selon lequel "le désendettement public - c'est-à-dire le déficit budgétaire - engendre un accroissement équivalent de l'épargne privée".

Un endettement public aux conséquences néfastes

L'endettement public présente des inconvénients majeurs.
Tout d'abord, il y a une question d'équilibre entre l'offre et la demande. Toute dépense publique non financée par une ponction sur la dépense privée accroît la demande. Si cette augmentation se maintient dans le temps, elle entraîne soit une dépendance accrue vis-à-vis des importations, creusant le déficit de la balance des paiements courants, soit une possibilité offerte au système productif d'augmenter ses prix provoquant ainsi de l'inflation.
Dans la pratique, la France a accumulé plutôt des déficits extérieurs. Son actif extérieur net, c'est-à-dire la différence entre la valeur des avoirs français à l'étranger et celle des avoirs détenus par des étrangers en France, est de plus en plus négatif. Il est passé de -40 milliards d'euros fin 2001 (soit 2,7 % du PIB) à -800 milliards d'euros fin 2021 (soit 32 % du PIB). Ce qui entraîne une perte de souveraineté qui, bien qu'elle soit souvent négligée, représente une menace pour les générations futures.
Le deuxième inconvénient réside dans le caractère anti-redistributif de la dette publique. On pourrait qualifier cette situation de "Robin des Bois à l'envers", où l'État joue un rôle inverse de celui de Robin des Bois en prélevant des impôts sur l'ensemble de la population pour verser des intérêts aux détenteurs de titres publics qui sont généralement parmi les plus fortunés. Avec la hausse actuelle des taux d'intérêt, ce mécanisme ne fera que s'accentuer.
En outre, on peut ajouter à ces éléments l'étouffement progressif des marges de manœuvre de l'État, contraint de consacrer de plus en plus de ressources au paiement des intérêts de la dette ( 42 Mds en 2023 et risque de s'élever à 70 Mds en 2027.) , les perturbations dans le financement de l'économie causées par la ponction sur l'épargne opérée par l'État, ainsi que la fragilisation de nos relations avec nos partenaires européens en raison du non-respect des traités .


Pour une politique d'austérité ?

Faut-il alors revenir aux politiques de rigueur ? C'est le premier ministre socialiste Pierre Mauroy qui a introduit cette expression en mars 1983. Critiqué pour avoir abandonné les promesses de 1981 et pour mener une politique similaire à celle de Raymond Barre, son prédécesseur plus libéral, il prétendait que ce n'était pas le cas. Selon lui, "la rigueur, c'est l'austérité plus l'espoir".
Dans le contexte actuel, des mesures similaires, également appelées "austérité", semblent s'imposer. L'enjeu réside davantage dans leur contenu que dans leur principe. En 2017, dans son document intitulé "Des politiques meilleures pour une vie meilleure", l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) écrivait :

"L'assainissement budgétaire, qui consiste à retrouver la maîtrise des budgets publics, nécessite des choix politiques difficiles concernant les dépenses et les recettes publiques. 

Cela implique de réexaminer les systèmes de protection sociale pour éviter les gaspillages et renforcer les incitations au travail, ainsi que de réduire les salaires des fonctionnaires."
L'OCDE a étudié les plans de redressement budgétaire de 24 pays entre 1978 et 2002, soit 85 périodes d'assainissement, et a constaté que, en général, ces mesures ralentissent la croissance à court terme, mais que celle-ci se redresse assez rapidement tandis que la croissance à long terme s'améliore.

Deux cas sont particulièrement mis en avant dans cette étude : le Danemark entre 1983 et 1986 et l'Irlande en 1987, où l'austérité a même été accompagnée d'une accélération de la croissance dès le départ.
L'une des raisons de leur succès réside dans le fait que l'austérité a été associée à des mesures favorisant l'investissement privé, qui a pris le relais des dépenses publiques. Cela fonctionne à trois conditions. Tout d'abord, il est essentiel de ne pas pénaliser les entreprises en augmentant leurs impôts. 

Cela s'applique également aujourd'hui, alors que la fiscalité doit devenir un outil privilégié de transition écologique : il est nécessaire d'alléger leur charge fiscale tout en la rendant plus écologique. Ensuite, il faut compter sur les effets ricardiens chez les ménages, dont la volonté de désépargne se manifestera dès qu'ils prendront conscience des effets positifs de la politique suivie. Enfin, il est crucial que la volonté de mener une politique d'assainissement budgétaire soit claire, de sorte que la dynamique double de l'investissement des entreprises et de la désépargne des ménages puisse s'affirmer pleinement.

Il est essentiel de reconnaître les défis posés par l'augmentation continue des dépenses publiques et de la dette publique en France.

Les politiques d'austérité peuvent être légitimes si elles sont mises en œuvre de manière réfléchie et accompagnées de mesures favorables à l'investissement privé et à la stimulation de l'économie.




Garett Skyport pour DayNewsWorld