DES TARDIGRADES COLONISERAIENT-ILS LA LUNE ?

Le 22 février 2019, une sonde spatiale, c’est-à-dire sans équipage, était mise en orbite autour de la Lune avec comme objectif d’alunir. C’était une première car jamais un engin privé ne s’était posé sur le sol lunaire. De plus, la sonde transportait des tardigrades sous forme déshydratée et inactive, mais viable.

Tout se déroulait comme prévu quand soudain le 11 avril, la sonde connut un problème avec la propulsion en amorçant sa descente. La vitesse était trop grande pour être suffisamment ralentie de sorte qu’elle s’écrasa à plus de 3 000 km/h sur notre satellite

Que sont devenus les tardigrades après le crash ? Certains sont-ils toujours viables, ensevelis sous le régolithe, la poussière lunaire dont la profondeur varie de quelques mètres à quelques dizaines de mètres ?

Des animaux à l'épreuve de presque tout

Les tardigrades, ces minuscules créatures, occupent une place singulière dans le règne animal. Leur taille inférieure à un millimètre ne reflète en rien leur remarquable complexité. Dotés de deux yeux et d'une structure neuronale, ils arborent également un orifice buccal au bout d'une trompe rétractile, un intestin hébergeant un microbiote, et quatre paires de pattes dépourvues d'articulations mais pourvues de griffes acérées. 

Leur parenté avec les arthropodes, tels que les insectes et les arachnides, est indéniable, témoignant d'un passé évolutif commun.
Bien que la plupart des tardigrades évoluent dans des milieux aquatiques, leur présence se fait sentir dans tous les environnements, y compris les plus inhospitaliers des zones urbaines.
Ces êtres fascinent principalement en raison de leur incroyable capacité à résister à des conditions extrêmes, surpassant de loin celles rencontrées sur Terre ou sur la Lune. Ils peuvent suspendre leur métabolisme, perdant jusqu'à 95 % de leur eau corporelle sans dommage apparent. 

Certains produisent du tréhalose, un sucre antigel, tandis que d'autres synthétisent des protéines qui transforment les constituants cellulaires en une matrice vitreuse, procurant ainsi une protection vitale.
La déshydratation entraîne une réduction spectaculaire de leur taille, parfois jusqu'à la moitié, les pattes disparaissant pour laisser place uniquement à des griffes. 

Dans cet état, nommé cryptobiose, ils attendent patiemment des conditions plus clémentes pour revenir à la vie.
Cependant, les spécimens varient dans leur capacité à supporter cette dessiccation, et tous ne sont pas capables de se réanimer. Les tardigrades adultes peuvent survivre plusieurs minutes à des températures extrêmes, atteignant jusqu'à – 272 °C ou 150 °C, et résistent sur le long terme à des doses de rayons gamma allant jusqu'à 1 000 ou 4 400 Gray (Gy), selon l'espèce. Cette capacité de survie inégalée défie les limites de la biologie et continue d'étonner les scientifiques à ce jour.

Mais des difficultés...à survivre

Tout d’abord, il faut qu’ils aient survécu à l’impact. Des tests au laboratoire ont montré que des spécimens congelés de l’espèce Hypsibius dujardini étaient intacts après un choc à 2600 km/h sous vide sur du sable mais étaient mutilés au-delà de 3000 km/h.

Ils doivent ensuite résister à l’absence d’eau et supporter un froid de – 170 à -190 °C durant la nuit lunaire et une chaleur de 100 à 120 °C durant le jour. Un jour ou une nuit lunaire dure longtemps, soit un peu moins de 15 jours terrestres. Même la sonde n’était pas prévue pour résister à de telles amplitudes et devait cesser toute activité après seulement quelques jours terrestres.

Enfin, la surface de la Lune n’est pas protégée vis-à-vis des particules solaires et des rayons cosmiques, notamment gamma. Mais là les tardigrades seraient capables de résister. En effet, Robert Wimmer-Schweingruber, Professeur à l’Université de Kiel en Allemagne, et son équipe ont montré que les doses de rayons gamma frappant la surface lunaire étaient permanentes mais faibles par rapport aux doses citées précédemment. Selon lui, 10 années d’exposition aux rayons gamma correspondraient à une dose totale d’environ 1 Gy.

Quoi qu’il en soit, sans eau ni oxygène ni microalgues, les tardigrades ne pourront jamais se réactiver. Ainsi la colonisation de la Lune par ces animaux est impossible. Mais des spécimens sont sur le sol lunaire et leur présence pose des questions éthiques comme le souligne Matthew Silk écologue à l’université d’Édimbourg. Parmi ces questions, il en est une sur le plan scientifique.

A l’heure où l’exploration spatiale repart tous azimuts, contaminer d’autres planètes nous fera-t-il perdre la possibilité de chercher la vie extraterrestre ?




Kelly Donaldson pour DayNewsWorld