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LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE LA GUERRE EN UKRAINE POURRAIENT BENEFICIER A MARINE LE PEN

L’impact économique de la guerre en Ukraine pèse sur les électeurs français. La flambée des prix de l’énergie s’ajoute à l’inflation qui a accompagné la reprise de l’économie française après les confinements liés à la pandémie de Covid-19.

La stratégie « social-populiste » de Marine Le Pen – à savoir un positionnement à la gauche économique associé à une rhétorique populiste et nationaliste , mise en œuvre depuis dix ans par la présidente du RN, pourrait s’avérer un pari politique gagnant.

Les inquiétudes économiques s’imposent comme le thème dominant de la campagne. Selon les dernières enquêtes électorale du CEVIPOF , 58 % des Français déclarent que les prix et le pouvoir d’achat auront une influence importante sur leur vote en avril, soit une hausse conséquente depuis début mars. Comme ailleurs en Europe, les prix du carburant ont grimpé en flèche en France à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le blé, certaines métaux pourraient également fortement augmenter.

Les questions liées au pouvoir d’achat s’imposent dans la campagne

À la lumière de ces nouvelles données le résultat du premier tour de l’élection présidentielle dépendra en grande partie de la réponse des divers candidats aux questions de pouvoir d’achat, d’augmentation des prix et de protection des Français face à l’impact économique de la guerre.

Anticipant « une crise qui va s’installer », le gouvernement de Jean Castex a d’ores et déjà souligné l’importance de soutenir l’économie française en élaborant un plan d’urgence de « résilience ». Après le « quoi qu’il en coûte » pendant la pandémie de Covid-19, ce nouveau plan de 7 milliards d’euros est destiné à aider les entreprises et les ménages à faire face à la hausse des coûts de l’énergie suite aux sanctions économiques imposées par l’Occident à la Russie.

Si Emmanuel Macron semble encore dominer pour l’heure la bataille du premier tour avec un petit 24 % des intentions de vote , les préoccupations économiques sont devenues une des clés de la bataille pour la deuxième place.

A droite, des stratégies économiques divergentes

À droite, les stratégies économiques des trois principaux prétendants divergent. Pour l’essentiel, les grandes orientations de campagne de Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Marine Le Pen ont été définies il y a plusieurs mois, bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Mais à l’approche du premier tour, la crise ukrainienne crée des opportunités différentes pour chacun de ces candidats.

Sur le plan économique, Éric Zemmour et Valérie Pécresse défendent un programme à tonalité libérale, marqué par la lutte contre l’« assistanat » chez le premier ou la réduction du nombre de fonctionnaires chez la candidate LR. Tous deux sont également en faveur d’un recul de l’âge légal de départ à la retraite – 64 ans pour E. Zemmour et 65 ans pour V. Pécresse –, une réforme qui continue d’être rejetée par près de 7 Français sur 10.

En pleine tempête sur les prix et le pouvoir d’achat, cette orientation libérale se heurte aux attentes qui existent, notamment au sein de l’électorat populaire, de plus de protection sociale, de santé et de redistribution .

Ces questions sociales sont précisément au cœur de la campagne de Marine Le Pen. Face à ses deux principaux concurrents à droite, la candidate du Rassemblement national a très tôt choisi une voie économique différente, mettant l’accent sur le pouvoir d’achat, la santé, la défense des services publics et la redistribution.

Avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la candidate du Rassemblement national avait promis un « choc de pouvoir d’achat » en s’engageant à « protéger notre peuple » et à « rendre leur argent aux Français ».

Ce discours à forte tonalité sociale a assez rapidement permis à Marine Le Pen de détourner l’attention de ses positions pro-russes et de son soutien à Vladimir Poutine dans le passé, pour recentrer sa campagne sur les conséquences économiques du conflit ukrainien sur la vie quotidienne des Français

Marine Le Pen ou la stratégie « social-populiste »

Plus encore, il permet à la candidate du RN d’asseoir sa crédibilité en tant que candidate du « pouvoir d’achat » auprès des catégories populaires et des classes moyennes les plus inquiètes de l’impact économique de la crise.

Une analyse statistique du projet présidentiel de Marine Le Pen montre que la composante de « redistribution » représente pas moins des deux tiers (66 %) de son programme économique : il s’agit là du pourcentage le plus élevé depuis la percée électorale du FN au milieu des années 1980. Ce premier pilier réunit toutes les mesures sociales ou économiques d’orientation keynésienne, fondées sur la demande, la protection sociale et la redistribution.

Le programme de Marine Le Pen propose, entre autres choses, des baisses de TVA, une hausse des salaires, des exonérations fiscales et la gratuité des transports pour les jeunes travailleurs. Cette offensive de redistribution tous azimuts sur le pouvoir d’achat et la santé a pour cibles prioritaires les catégories populaires et les jeunes actifs, qui constituent le gros des bataillons de l’électorat RN.

Autre cible : les retraités, qui demeurent, eux, moins enclins à soutenir le RN – seuls 13 % d’entre eux voteraient pour sa présidente. Aux séniors, Marine Le Pen promet la revalorisation des retraites et du minimum vieillesse, et la suppression des impôts sur l’héritage direct pour les familles modestes et les classes moyennes.

Parallèlement, le RN s’est éloigné de positions économiques plus libérales sur les fonctionnaires, la dérégulation ou le retrait de l’État providence.

Il a conservé, enfin, son ancrage de nationalisme économique (13 % du programme). Marine Le Pen continue de défendre la souveraineté économique nationale, le protectionnisme, le refus du libre-échange ou la préférence donnée aux entreprises nationales contre la libre concurrence de l’Union européenne.

Ce positionnement à la gauche économique, associé à la rhétorique populiste et nationaliste traditionnelle du RN opposant les élites économiques et politiques « mondialistes » au peuple, dessine les contours d’un « social-populisme » qui distingue aujourd’hui très clairement Marine Le Pen de ses autres compétiteurs à droite, y compris Éric Zemmour.

Le pari gagnant de Marine Le Pen ?

Tout au long du quinquennat d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen s’est employée à cultiver son image social-populiste, rejoignant à plusieurs occasions les rangs de la gauche et des syndicats. Fin 2019, elle s’était fortement opposée à la réforme des retraites. En mars 2021, la présidente du RN avait également dénoncé la réforme de l’assurance-chômage par le gouvernement, demandant à Emmanuel Macron de mettre un terme à cette « saignée sociale ».

Les dernières enquêtes électorales confirme qu’il s’agit là d’un pari potentiellement gagnant : Marine Le Pen y recueille 22 % des intentions de vote , loin devant Éric Zemmour (10 %) et Valérie Pécresse (10 %).

En meeting à Saint-Martin-Lacaussade le 25 mars, Marine Le Pen a répété sa vision populiste du duel qu’elle espère livrer face à Emmanuel Macron, opposant les « gros » aux « petits », le « peuple » aux« élus ». « Entre Emmanuel Macron et nous, a-t-elle déclaré, c’est le choix entre le pouvoir de l’argent qui profite à quelques-uns, et le pouvoir d’achat qui profite à tout le monde ».

Défendre un programme social-populiste aux  préoccupations socio-économiques bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, un pari gagnant pour Marine Le Pen ?




Andrew Preston pour DayNewsWorld