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LES ENJEUX DE REPORT DE VOIX

POUR SECOND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE

Le résultat du premier tour laisse planer une fausse clarté sur l’issue du second.

Engagés dans une rude bataille pour un second tour à suspense, Emmanuel Macron et Marine Le Pen tentent d'élargir leur base électorale, notamment à gauche, du côté des électeurs très courtisés de l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon, fort de ses 21,95 % des voix au premier tour. Quelle dynamique va présider pour les reports de voix au second tour ?

Le système majoritaire poussant à rétrécir le débat autour d’une opposition binaire, Emmanuel Macron l'aborde en se présentant comme le candidat de l’ouverture face à une extrême droite xénophobe et anti-libérale. Le président-candidat semble faire le pari qu’il pourra compter sur le rejet toujours majoritaire de leurs positions xénophobes et que ce clivage entre ouverture et fermeture lui sera donc favorable.

Suivant cette même logique, le peu d’accent placé par Marine Le Pen sur les enjeux d’immigration n’a pas empêché Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan d’annoncer qu’ils voteraient pour elle. Leurs électeurs sont nombreux à envisager de faire de même malgré des divergences en matière sociale. Elle peut de surcroît, au vu de l’attitude du numéro 2 de la primaire LR, Éric Ciotti, partisan d’une droite dure, espérer une part des voix recueillies par Valérie Pécresse.

Vers un nouveau Front Républicain ?

Cependant, ce cadrage n’apporte guère de réponses aux demandes de protection sociales exprimées dans les sondages et, sans doute, dans le vote de dimanche.

Le pari pourrait s’avérer risqué si les considérations d’ordre culturelles poussent les électeurs situés à droite vers Marine Le Pen, tandis que les programmes sociaux dissuadent trop d’électeurs de gauche de lui faire barrage.

Et dans le cadre d’une sorte de « tout sauf Macron », elle pourrait bénéficier de certains suffrages de Jean-Luc Mélenchon bien que ce dernier ait appelé à plusieurs reprises dimanche soir à ne « pas donner une seule voix » à l’extrême droite sans pour autant donner une consigne en faveur d’Emmanuel Macron. Selon Manuel Bompard, La France insoumise n'a « rien à négocier » avec Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle. La drague à gauche du président sortant reposerait sur « une logique assez évidente », mais il faudra « davantage que de la communication » pour convaincre les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, selon son ancien directeur de campagne invité sur France Info, qui a appelé le chef de l'État à abandonner sa réforme des retraites.

Une campagne ardue pour Emmanuel Macron

Face à ces deux blocs qu’unit leur commune hostilité au président-candidat, Emmanuel Macron ne dispose pas des mêmes ressources potentielles. Certes, aussi bien Anne Hidalgo que Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Fabien Roussel ont fermement et clairement appelé à voter pour lui. Le candidat Macron est sur la posture de celui qui prétend incarner la raison, le combat pour faire barrage aux populismes. Et quand on voit les appels de Yannick Jadot, de Valérie Pécresse, voire de Jean-Luc Mélenchon (toutefois bien plus ambigu), il y a la volonté de recréer une forme de Front Républicain subliminal ou light. Mais les électeurs s’affranchissent de plus en plus des consignes de vote et l’Emmanuel Macron 2022 n’est plus tout à fait celui de 2017. Et pour cause : il est le sortant. Selon le politologue Bruno Cautrès. le président sortant est vu, par ceux qui ne l’aiment pas, « comme le président des riches à cause de son parcours de banquier et de haut fonctionnaire. Il est aussi vu comme quelqu’un qui ne sait pas bien où il va, de beaucoup trop opportuniste, qui pense avoir toujours raison, qui n’écoute pas les Français, qui prend les décisions par le haut… Il est même qualifié de monarque et voire de dictateur » par certains, souligne-t-il. Il lui faudra donc ferrailler dur pour amener à lui les électeurs de gauche qui auront voté Mélenchon afin d’éviter trop de déshonneur à leur camp. Reste à jouer sur la participation et susciter une dynamique parmi les abstentionnistes du premier tour.

Le président sortant va être le porteur de l’étendard du tout sauf Marine Le Pen tandis qu’elle sera la candidate du tout sauf Emmanuel Macron.




Abby Shelcore pour DayNewsWorld