EUTHANASIE SUICIDE ASSISTE

 LA FIN DE VIE NOUS APPARTIENT-ELLE ?

La convention citoyenne sur la fin de vie, organisée par le Conseil économique, social et environnemental, a rendu son rapport au gouvernement après quatre mois d’échanges, de réflexions et de votes. "Nous sommes tous concernés, par essence, par la fin de vie.

" Au lendemain de l'adoption du rapport de la convention citoyenne sur ce thème, qui juge "nécessaire" d'autoriser le suicide assisté et l'euthanasie, Emmanuel Macron a pris la parole, lundi 3 avril, devant les 184 participants réunis à l'Elysée. Il a rappelé notamment qu'une "convention citoyenne ne se substitue jamais à la délibération parlementaire".

Ce sujet extrêmement sensible, qui renvoie chaque personne à sa propre vulnérabilité, convoque en effet des dimensions médicales, sociétales, juridiques, éthiques, philosophiques et, bien entendu, politiques et demande du temps pour y penser.

Des lignes rouges à ne pas franchir

."Je demande au gouvernement, en lien avec les parlementaires, de mener une œuvre de co-construction sur la base de cette référence solide qui est celle de la convention citoyenne", a poursuivi le chef de l'Etat, tout en fixant des "lignes rouges" à ne pas franchir. Parmi celles-ci, la nécessité de "garantir l'expression de la volonté libre et éclairée", de la "réitération du choix", "l'incurabilité de souffrances réfractaires, psychiques et physiques, voire l'engagement du pronostic vital".

"Vous insistez, à raison, pour que jamais une aide active à mourir ne devrait être réalisée pour un motif social, pour répondre à l'isolement qui parfois peut culpabiliser un malade qui se sait condamné", a ajouté Emmanuel Macron, qui a également fermé la porte à toute aide à mourir pour les mineurs. "Ces quelques lignes rouges me paraissent encadrer l'hypothèse d'un modèle français de la fin de vie", a-t-il encore souligné.

Une meilleure application du cadre existant, à savoir la loi Claeys-Leonetti de 2016

La législation sur la fin de vie en France a su se réinventer depuis les premiers jalons posés par la loi Kouchner de 1999 qui garantissait l’accès aux soins palliatifs. La loi Leonetti de 2005, puis la loi Claeys-Leonetti de 2016 ont ouvert des droits pour les personnes en fin de vie. Au-delà de l’arrêt des traitements, elles cadrent la désignation d’une personne de confiance et la rédaction des directives anticipées, déclaration écrite qui peut être faite par toute personne majeure pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie.

La législation actuelle permet aux soignants de mettre sous sédation irréversible des patients proches de la mort, dont les souffrances sont intolérables. Mais elle ne va pas jusqu'à autoriser une assistance au suicide ou l'euthanasie, comme le propose la convention citoyenne.

Ces dispositions sont vues comme des moyens efficaces de lever les incertitudes liées aux conditions de la fin de vie. Pourtant, elles sont peu opérantes.

C'est pourquoi le "premier pilier de la réponse" qu' Emmanuel Macron entend apporter aux conclusions de la convention citoyenne et des divers travaux sur le sujet est "peut-être la réponse la moins spectaculaire" : celle de la meilleure application du cadre existant, à savoir la loi Claeys-Leonetti de 2016, qu'"il nous faut mieux faire appliquer".

En effet force est de constater la difficile application des directives anticipées

Une équipe de chercheurs a analysé la capacité des personnes de confiance à prendre des décisions correspondant au désir de leur proche. En se basant sur près de 20 000 paires de réponses patient-personne de confiance sur des scénarios hypothétiques de fin de vie, ils sont arrivés à une conclusion préoccupante : dans un tiers des cas, la personne de confiance se trompe sur la préférence de traitement de son proche et ne prend pas la décision que celui-ci souhaiterait.

Plus alarmant encore : ce chiffre reste le même lorsque des discussions sur ces questions ont déjà eu lieu. En effet, les personnes de confiance peuvent faire primer leurs propres valeurs sur celles de leurs proches.

De plus demander à une personne âgée de prendre une décision sur sa fin de vie n’est pas pour autant facile, y compris lorsque la famille et les personnels soignants paraissent avoir trouvé un accord. Elles peuvent en particulier être confrontées à des dilemmes moraux : faut-il envisager de ne pas avoir sa vie prolongée dans certaines conditions ? Est-il possible d’accepter de laisser d’autres décider pour soi s’il n’est plus possible de s’exprimer ?

La question est particulièrement complexe dans le cas des personnes âgées qui vivent en institution. Selon une étude menée en 2013-2014 au sein de 78 maisons de retraite en France, les questions relatives à la fin de vie ont été abordées avec au maximum 21,7 % des résidents.

Dans une autre étude exploratoire, des chercheurs en santé britanniques ont mis en évidence les inquiétudes des personnes âgées lorsqu’il leur est demandé de penser aux soins palliatifs et à l’euthanasie (et en particulier aux conditions de leurs mises en œuvre). Ainsi, même si des directives anticipées ont été rédigées en prévision d’hypothétiques difficultés à venir, les personnes âgées ne seront pas nécessairement capables d’y adhérer lorsqu’elles seront réellement confrontées à la fin de leur existence, comme décrit dans un article de deux chercheurs Stéphane Alvarez et Emmanuel Monfort publié dans The Conversation.

Non seulement rédiger des directives anticipées n’est pas un exercice simple pour le patient mais encore faut-il qu'il puisse être accompagné par un système de santé efficace et à l'écoute.

Dépasser les limites actuelles ?

Or la Haute autorité de santé a précisé en 2020 que la loi Claeys-Leonetti n’est pas suffisamment appliquée par les professionnels de santé : une amélioration est nécessaire dans le dialogue entre les professionnels de santé et les patients, même les plus âgés. Des progrès sont également nécessaires dans l’accompagnement de ces derniers et de leurs proches.

Ensuite, les décideurs vont-ils introduire l’aide active à mourir alors que le système de soins palliatifs est critiqué pour son aspect inégalitaire (26 départements n’ont pas d’unités de soins palliatifs) et plus largement pour un manque de moyens évidents ?

Et le chef de l'Etat de pointer une "inégalité fondamentale" dans l'accès aux soins palliatifs sur le territoire. Le président a ainsi confirmé "un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et le développement des soins palliatifs, avec les investissements qui s'imposent". Sans avancer de chiffres sur le financement de ce plan, le chef de l'Etat s'est engagé à "développer la prise en charge des soins palliatifs", y compris dans le secteur pédiatrique, "à mieux les intégrer à l'hôpital dans le parcours de soin, à fixer un seuil de lits par territoire et à poursuivre leur développement à domicile". Un préalable indispensable avant d'envisager d’aller plus loin que les dispositions actuelles.

Quoiqu'il en soit l’Ordre des médecins, premier concerné s'il en est, s’est dit « défavorable » à ce que des médecins puissent participer à « un processus qui mènerait à une euthanasie, le médecin ne pouvant provoquer délibérément la mort par l’administration d’un produit létal» en cas de changement de la législation sur la fin de vie.

En outre le député LR du Bas-Rhin Patrick Hetzeldénonce dans sa tribune à Figarovox un débat biaisé: pour piloter la convention citoyenne sur la fin de vie, en liaison avec des cabinets de conseil,   l'exécutif a en effet choisi le Conseil économique et social (CESE), qui avait prôné en 2018 la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. Et de conclure : «Le débat sur la fin de vie mérite mieux que l'amateurisme et les manipulations».

Face à ces constats non exhaustifs , il paraît légitime de se poser la question d’une réelle volonté politique d’introduire la notion d’aide à mourir dans la loi, évolution jusqu’à présent refusée. De nombreuses questions demeurent ...




Emily Jackson pour DayNewsWorld