INQUIETANT RECUL DE LA LIBERTE DE LA PRESSE DANS LE MONDE

Le 3 mai est la journée mondiale de la liberté de la presse et, à cette occasion, les médias s'inquiètent de son recul partout dans le monde. Les pressions politiques sur la presse augmentent dans le monde alors même que la moitié de la planète vote cette année, alerte Reporters sans frontières (RSF) dans son classement 2024 publié vendredi.

La Norvège reste en tête de ce 22e classement de la liberté de la presse, tandis que l’Érythrée arrive en dernière position, 180e, après la Corée du Nord les deux années précédentes.

La France passe de la 24e à la 21e place par un effet mécanique, alors que les indicateurs du pays « stagnent », relève Anne Bocandé, directrice éditoriale de l’ONG de défense des journalistes.

Globalement, dans les trois quarts des nations, les conditions de pratique du journalisme sont jugées défavorables. Selon l'ONG, la communauté internationale manque visiblement de volonté politique pour garantir la sécurité des journalistes à Gaza, où plus de 100 journalistes palestiniens ont perdu la vie, dont au moins 22 en exerçant leurs fonctions, sous les tirs de l'armée israélienne. Les journalistes qui travaillent sur l’environnement font partie des plus menacés dans le monde. 70 % d’entre eux ont subi des pressions ou des attaques dans 129 pays, d’après un rapport dévoilé par l’Unesco, notamment quand ils dénoncent des activités illégales comme le braconnage ou la pollution environnementale.

La plus grande année électorale de l’histoire mondiale

Plus précisément, le rapport de RSF pour l'année 2024 souligne une tendance à une protection moindre du journalisme par les gouvernements, voire à un engagement actif dans la propagation de la désinformation. RSF met en lumière une "détérioration préoccupante du soutien et du respect de l'autonomie des médias", surtout à l'approche de "la plus grande année électorale de l'histoire mondiale", avec près de la moitié de la population mondiale impliquée dans au moins un scrutin, de l'Inde aux États-Unis, en passant par les élections européennes. Cette situation laisse présager de nouvelles "pressions très fortes" sur les médias.

L' ONG Civil Liberties Union for Europe

Selon le dernier rapport de l’ONG Civil Liberties Union for Europe, installée en Allemagne, la liberté de la presse est « dangereusement proche du point de rupture » dans plusieurs pays de l’Union européenne. Et la France n’est pas vraiment un modèle.

« La liberté de la presse est en déclin constant (…), dans de nombreux pays en raison de la nuisance volontaire ou de la négligence par les gouvernements en place », pointe l’organisation. Ce déclin « va de pair avec le déclin de l’État de droit. Il y a une corrélation étroite entre les deux ».La dégradation de la situation se traduit par des menaces directes sur les journalistes et leur travail. « Intimidations, surveillances et actes de violence » ont été constatés dans plusieurs États membres de l’Union européenne. Selon l’ONG, en 2023, en France, en Croatie, en Allemagne ou encore en Italie, des journalistes ont été la cible de violences physiques. En Roumanie et en Suède, des agressions sont restées impunies «faute de moyens ou de volonté » des forces de l’ordre, tandis que des policiers s’en sont eux-mêmes directement pris physiquement à des journalistes en France et en Bulgarie.

Ailleurs dans le monde

En Argentine (66e, -26 places), le nouveau président ultralibéral Javier Milei a annoncé en mars la fermeture de l’agence de presse publique Télam, qu’il accuse de « propagande ».

Le contrôle des réseaux sociaux et d’internet est très poussé au Vietnam (174e) et en Chine (172e), un pays qui, en plus d’emprisonner le plus grand nombre de journalistes au monde, pratique censure et surveillance.

Dans les régions de l'Europe de l'Est et de l'Asie centrale également, les restrictions sur les médias se sont accrues, reflétant de manière frappante les tactiques de répression observées en Russie, soulignent les experts de RSF. Ils citent notamment le Bélarus (167e), la Géorgie (103e), le Kirghizistan (120e) et l'Azerbaïdjan (164e). En Russie, où Vladimir Poutine a été réélu en mars, le classement est à la 162e place.
En outre, l'arsenal de la désinformation s'est enrichi grâce à l'introduction de l'intelligence artificielle générative. Un exemple concret en est un "deepfake" audio (un montage sophistiqué) ayant ciblé la journaliste Monika Todova en Slovaquie (29e, -12 places) avant les élections législatives de l'automne dernier.

En A frique la situation de la liberté de la presse est préoccupante . Les juntes qui ont pris le pouvoir au Niger (80e), au Burkina (86e) et au Mali (114e) « ne cessent de resserrer leur emprise sur les médias et d’entraver le travail des journalistes », estime-t-elle.

A l'occasion de cette journée spéciale, la ville de Genève décernera ce vendredi le prix international du dessin de presse 2024. Un festival parrainé par le journal Le Temps, qui rend hommage à l’un de ses principaux inspirateurs, Donald Trump :

 "un cadeau pour les caricaturistes", d’après le journal.




Kelly Donaldson pour DayNewsWorld