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LE McKINSEYGATE OU LE POISON

DANS LA CAMPAGNE D' EMMANUEL MACRON

Le scandale McKinsey continue de prendre de l’ampleur. Au pavé dans la mare politique s’ajoute désormais une affaire judiciaire. Le Parquet national financier (PNF) indique en effet dans un communiqué avoir ouvert le 31 mars une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale à l’encontre du cabinet de conseil. La justice s’appuie sur le rapport de la commission d’enquête du Sénat, accusant les entités françaises du cabinet McKinsey d’optimisation fiscale, de telle sorte qu’elles n’auraient versé aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020.

Dans ce rapport remis le 16 mars, la commission d’enquête du Sénat, initiée par le petit groupe CRCE à majorité communiste, assurait que les contrats conclus par l’État avec les cabinets de consultants comme McKinsey avaient « plus que doublé » entre 2018 et 2021, atteignant un montant record de plus d’un milliard d’euros en 2021. McKinsey avait affirmé respecter les règles fiscales françaises, précisant qu’une de ses filiales avait payé l’impôt sur les sociétés pendant six ans sur la période au cours de laquelle le Sénat l’accuse d’ optimisation fiscale. Les élus du Palais Bourbon estiment en effet à plus d'un milliard d’euros l’enveloppe allouée par le gouvernement à ces conseils en tous genres (pas uniquement McKinsey.) Ce chiffre a plus que doublé en cinq ans.

« Que ça aille au pénal », c’est fait .

L’enquête du PNF, ouverte après « des vérifications », a été confiée au Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), précise Jean-François Bohnert dans ce communiqué qui ne mentionne pas le nom de McKinsey.

A deux semaines du premier tour de la présidentielle, les oppositions politiques au chef de l’Etat ont depuis demandé de manière répétée l’ouverture d’une enquête sur ce qu’elles considèrent comme du favoritisme dont la majorité macroniste ferait preuve au profit de ce cabinet de conseil, dont certains membres ont œuvré pour la campagne présidentielle 2017 d’Emmanuel Macron.

Le président-candidat Emmanuel Macron a alors mis au défi ses accusateurs : « s’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », a-t-il ainsi lancé lors d’une émission dimanche 27 mars 2022, sur France 3. Face à la virulence des réactions, le Président, tentant de se justifier pour éteindre la polémique, a donc choisi la solution offensive, en invitant ses accusateurs à régler le problème devant les tribunaux , une attitude qui rappelle furieusement le « qu'ils viennent me chercher » dans l'affaire Benalla. Le président candidat estimait notamment que le non-paiement de l’impôt sur les sociétés par McKinsey s’expliquait par les règles fiscales en vigueur.

Le PNF l’a donc entendu !

Si, dans leur rapport, les sages y décrivent des pans entiers de la puissance publique tombés sous l’influence de consultants, pour beaucoup issus de sociétés anglo-saxonnes, les sénateurs mettent également en avant l'explosion des dépenses liées au conseil dans les différents ministères. En 2021, ce sont plus d’un milliard d’euros qui ont été versés dont 893,9 millions par les ministères à plusieurs cabinets de conseil, pas seulement McKinsey. Ce chiffre a plus que doublé en quatre ans.

Doublée d'optimisation fiscale

Autre élément pointé par le rapport concerne la fiscalité, les parlementaires allant même jusqu'à parler d'un « exemple caricatural d'optimisation fiscale » . D'autant que la maison mère se trouve au Delawere, « considéré par l'OCDE et l'article 238-A de notre Code des impôts comme disposant d'un "régime fiscal privilégié" propre à focaliser l'attention française. « Le constat est clair : le cabinet McKinsey est bien assujetti à l'impôt sur les sociétés en France mais ses versements s'établissent à zéro euro depuis au moins dix ans, alors que son chiffre d'affaires sur le territoire national atteint 329 millions d'euros en 2020, dont environ 5% dans le secteur public, et qu'il y emploie environ 600 salariés ».

Face au tollé suscité par la publication de ce rapport sénatorial, McKinsey a tenu à rappeler qu'elle respectait « l'ensemble des règles fiscales et sociales françaises applicables ». Mais malgré tout, le Sénat continue de douter sur la véracité de ces déclarations et a annoncé vendredi 25 mars avoir saisi la justice pour « suspicion de faux témoignage ». Karim Tadjeddine est un proche d'Emmanuel Macron, artisan de sa campagne en 2017. Lors de son audition au Sénat, il reconnaît avoir mélangé les genres en utilisant son adresse McKinsey pendant la campagne de 2017 pour ses conseils de campagne. Il admet que c'était une « erreur »...

Pour ces raisons notamment le sujet du « McKinsey Gate » s’est immiscé dans la campagne présidentielle

Opacité du système et des conflits d’intérêt : la campagne de 2017

L'opacité du système s’appuie par ailleurs sur la présence historique de consultants dans les différents écosystèmes de la macronie. Selon le magazine M, une dizaine de salariés de McKinsey ont participé à l’élaboration du programme d’Emmanuel Macron en 2017, et les allers-retours sont nombreux entre la « firme » McKinsey et la macronie.

Mais pour qui travaille au fond McKinsey sur les deniers de l'État ?

Le rapport du Sénat ne tire aucune conclusion à ce propos, mais c'est une question qui se pose en filigrane à la lecture de ce rapport. Ce n'est qu'un des aspects de ce phénomène « tentaculaire » décrit par le Sénat.

D'ailleurs le gouvernement actuel ne rend pas publics les rapports qu’il a commandés au cabinet privé, au point que, dans le rapport que le Sénat lui adresse, est mentionné le principe selon lequel « l’intervention des consultants doit rester discrète : lors de la crise sanitaire, McKinsey indique qu’il restera “behind the scene”, en accord avec le ministère. Le cabinet n’utilise pas son propre logo pour rédiger ses livrables mais celui de l’administration ». Pourquoi alors qu'ils sont réalisés sur les deniers de l'Etat ?

Selon la politologue Chloé Morin, qui s’est interrogée sur l’efficacité de l’administration dans Les inamovibles de la République (l’Aube) en 2020, l’affaire McKinsey représente un « point de fragilité qui peut coûter cher au candidat Macron » .

Les macronistes savent que cette polémique a plus de chances que les autres de s’installer dans le paysage.

« Elle entre en résonance avec le procès fait au macronisme : le monde de l’argent, la confusion public-privé, l’ancien banquier de Rothschild, le soutien des grands patrons », énumère un conseiller.




Garett Skyport pour DayNewsWorld