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LEGISLATIVES AU MAROC

DEFAITE CINGLANTE DES ISLAMISTES AU POUVOIR

Les Marocains ont voté mercredi lors d’élections générales dont les principaux enjeux étaient d’une part l’avenir du parti islamiste PJD, à la tête du gouvernement depuis une décennie, et d’autre part la participation. Le parti islamiste à la tête du gouvernement au Maroc depuis une décennie a subi une véritable déroute au profit de partis considérés comme proches du palais royal lors des élections législatives, mercredi, selon des résultats provisoires annoncés jeudi 9 septembre 2021 au matin. Il est passé de 125 sièges dans l’assemblée sortante à 12, a indiqué le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, durant un point presse.

Le Parti justice et développement sortant n'est même pas dans le trio de tête après les législatives d'hier, mercredi 8 septembre. Il arrive loin derrière ses principaux rivaux, le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti Authenticité et modernité (PAM), tous deux de tendance libérale, et le Parti de l’Istiqlal (PI, centre droit), qui remportent respectivement 97, 82 et 78 sièges (sur 395). Les résultats définitifs devraient être connus jeudi. Aucun parti ne remporte à lui seul la majorité absolue au Parlement marocain. Il faudra donc des alliances et une coalition gouvernementale.

Le RNI vainqueur

C'est inévitablement une page qui se tourne au Maroc. Puisque du parti majoritaire aux législatives est issu le Premier ministre nommé par le roi. Le vainqueur, selon les chiffres annoncés par le ministère de l'Intérieur, c'est le RNI, parti du ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouche, l'une des plus grandes fortunes du Royaume et décrit comme proche du palais.

Le RNI appartient à la coalition gouvernementale. Il a pu ainsi défendre à la fois son bilan au gouvernement et notamment, la bonne gestion de la crise Covid par ses ministres . Et le PAM, principale formation de l’opposition, a été fondé par l’actuel conseiller royal Fouad Ali El Himma, en 2008, avant qu’il n’en démissionne en 2011. Plus ancien parti du Maroc, le parti de l’Istiqlal (Indépendance), de centre droit, fait un retour remarqué avec un gain de 32 sièges.

Pourquoi une telle défaite du PJD ?

L’ampleur de la défaite des islamistes est inattendue dans la mesure où, malgré l’absence de sondages, médias et analystes pensaient que le PJD jouerait encore les premières places. Longtemps cantonné dans l’opposition, le PJD espérait briguer un troisième mandat consécutif à la tête du gouvernement. Il avait remporté un succès électoral historique après les protestations du « Mouvement du 20 février » – version marocaine du Printemps arabe de 2011 – qui réclamait la fin de « la corruption et du despotisme ». Les commentateurs parlent d’un « séisme électoral », « d’un recul d’une ampleur inattendue » pour un PJD qui n’a pas réussi à défendre son bilan.

Le PJD avait obtenu la primature (le poste de premier ministre) à l’issue du scrutin de la fin 2011, tenu dans la foulée du « Mouvement du 20 février », la version marocaine des « printemps arabes » que la monarchie était parvenue à canaliser à travers une révision constitutionnelle d’inspiration libérale. Cinq ans plus tard, il maintenait son statut de premier parti du royaume sans pour autant obtenir de majorité absolue, contraint dès lors à négocier une nouvelle fois une coalition avec les formations soutenues par le palais...

Le premier ministre, Saad-Eddine Al-Othmanifut , issu du parti islamiste, avait dû cependant accepter non seulement la normalisation, en décembre 2020, des relations avec Israël, le Maroc devenant ainsi le quatrième pays arabe (après les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan) à reconnaître cette année-là l’Etat hébreu mais également l’adoption en 2019 d’une loi renforçant la place du français dans l’enseignement public, notamment dans les matières scientifiques, et ce à rebours des anciennes politiques d’arabisation.

Privé des ministères régaliens, confiés à des proches du roi, le parti n’a jamais pu réellement peser sur les orientations stratégiques du gouvernement. De plus le nouveau calcul du quotient électoral (désormais rapporté au nombre d’inscrits et non plus des votants) n'a pas joué en faveur du parti islamiste. Le PJD a donc souffert du désenchantement d’une frange de son électorat, même s’il conserve un socle historique hérité d’un vieil enracinement, notamment dans les villes

Participation en hausse et proportionnelle

C’est la première fois depuis la tenue des premières élections au Maroc en 1960 que la répartition des sièges à la Chambre des représentants est calculée sur la base du nombre d’électeurs inscrits et non des votants. Ce nouveau mode de calcul a fortement handicapé les grands partis, au profit des « petites » formations. Seul le PJD s’y est opposé, s’estimant « lésé ».

Même si les résultats définitifs doivent encore être confirmés ce jeudi, on sait déjà que la participation a fortement pesé, puisqu’elle a atteint 50,18 % au niveau national, selon le ministère de l’Intérieur. Le taux de participation avait plafonné à 43 % lors des précédentes législatives en 2016, mais c’est la première fois que les quelque 18 millions d’électeurs choisissaient leurs 395 députés le même jour que leurs représentants communaux et régionaux. Une première qui a contribué à réduire l’abstention.

Ce rendez-vous électoral survient dans un environnement régional sensible dominé par la rupture des relations diplomatiques avec l’Algérie, et des relations crispées avec certains pays européens (notamment l’Espagne et l’Allemagne) autour du dossier du Sahara occidental. Il s’inscrit aussi dans un contexte interne marqué par un tournant sécuritaire du régime, ainsi que l’illustrent les multiples procès intentés ces deux dernières années contre des journalistes et intellectuels critiques.

Des formations jugées proches du roi

Désormais, il revient au monarque de nommer un chef du gouvernement, issu du parti arrivé en tête du scrutin législatif, qui sera chargé de former un exécutif pour un mandat de cinq ans. Il succédera au secrétaire général du PJD, Saad-Eddine El Othmani. Le plus dur commencera alors pour les partis politiques, car ils devront négocier pour adopter « un pacte » afin de mettre en œuvre ce programme. En 2011, le Maroc avait adopté une nouvelle Constitution qui accordait de larges prérogatives au Parlement et au gouvernement.

Toutefois, les décisions et les orientations dans des secteurs clés continuent d’émaner d’initiatives du roi.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld