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COUP D'ETAT MILITAIRE  ET  DEMISSION

DU PRESIDENT DANS UN MALI EN PROIE

A UNE INSTABILITE CHRONIQUE

Après des mois de troubles, la catastrophe redoutée est survenue. Au Mali, la mutinerie de militaires s'est transformée mardi en coup d'Etat militaire, amenant le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), au pouvoir depuis 2013, à annoncer sa démission

Au Mali, la mutinerie qui a éclaté mardi matin dans la garnison de Kati, à la sortie de la capitale Bamako, s'est muée en putsch. Après avoir pris le contrôle de leur camp, les mutins se sont ensuite dirigés en convoi vers le centre de la capitale, acclamés par des manifestants. La situation a basculé après l'arrestation en fin d'après-midi du président Ibrahim Boubacar Keïta, en compagnie de son Premier ministre Boubou Cissé. Emmené dans le camp militaire, « IBK » est apparu vers minuit sur la télévision publique ORTM pour annoncer sa démission, celle de son gouvernement et la dissolution de l'Assemblée nationale. « Et avec toutes les conséquences de droit : la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement », ajoute-t-il. Dans ces conditions extraordinaires, le chef de l'Etat déchu a toutefois tenu à « remercier le peuple malien de son accompagnement au long de ces longues années et la chaleur de son affection ».

Les militaires qui ont pris le pouvoir ont affirmé vouloir mettre en place une « transition politique civile ». Les militaires assurent que « tous les accords passés seront respectés »" , réaffirmant leur attachement au processus d’Alger, l’accord de paix signé en 2015 entre Bamako et les groupes armés du nord du pays.Ces événements interviennent alors que le pays traverse une grave crise politique depuis plusieurs mois

Un mouvement de contestation né des élections du printemps.

Le coup d'Etat au Mali et l'arrestation du président ont été unanimement condamnés par la communauté internationale, de l'ONU à la Communauté des Etats ouest-africains en passant par la France, qui a déployé 5.100 militaires au Sahel - et en particulier dans ce pays - dans le cadre de l'opération antidjihadiste Barkhane.

Le Mali en proie à une instabilité institutionnelle chronique

La démission d'Ibrahim Boubacar Keïta est la conclusion de la contestation née des élections du printemps. Organisées en mars-avril malgré l'épidémie liée au coronavirus, les législatives ont offert une victoire en demi-teinte au camp présidentiel, sorti affaibli du scrutin. Le contexte était alors déjà lourd puisque le chef de l'opposition, Soumaïla Cissé, a été enlevé juste avant le premier tour. La situation s'est envenimée avec l’invalidation d’une trentaine de résultats des législatives de mars-avril par la Cour constitutionnelle, dont une dizaine en faveur de la majorité du président Keïta.

Une manifestation très suivie le 5 juin a contribué à lancer le mouvement de contestation, emmené par une coalition hétéroclite d'opposants, de responsables religieux et de personnalités de la société civile : c’est le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques du Mali (M5-RFP), qui mène depuis juin la plus importante contestation du pouvoir depuis le coup d’État de 2012.Le week-end du 10 juillet, une manifestation à l’appel du Mouvement du 5 juin avait dégénéré en trois jours de troubles meurtriers.

IBK se voyait plus largement reprocher son impuissance face à l'insécurité du pays, son marasme économique, et des pratiques de corruption et de népotisme liées à sa gouvernance. La crise politique s'est ensuite accentuée ces deux derniers mois, malgré des gestes d'ouverture du président menacé. Des troubles civils ont fait en juillet plusieurs morts et la médiation menée cet été par l'ex-président nigérian Goodluck Jonathan n'a rien changé à la volonté des manifestants de réclamer le départ du dirigeant.

Le Mali cible d'attaques djihadistes récurrentes.

Le Mali est en outre confronté depuis des années aux attaques jihadistes, auxquelles se mêlent des heurts intercommunautaires. Le pays africain, indépendant de la France depuis 1960, est familier des coups d'Etat. Son premier président, Modibo Keïta, a été renversé en 1968 par le militaire Moussa Traoré, renversé à son tour en 1991 par Amadou Toumani Touré dit  « ATT ». Ce dernier, une fois revenu au pouvoir après une transition démocratique, fut lui-même destitué en 2012 par le putsch du capitaine Amadou Haya Sanogo, peu après l'offensive de rebelles dans le Nord du pays qui ont fini par être évincés par des groupes djihadistes. IBK, lui, était au pouvoir depuis la présidentielle de 2013, après la reprise du territoire par les forces françaises lors de l'opération Serval.

Depuis, la situation s'est détériorée sur le plan sécuritaire. Malgré l'appui français de la force Barkhane, l'armée malienne a subi des défaites face à des groupes touareg et arabes et a été victime de nouvelles attaques djihadistes. Les attentats se sont multipliés dans le pays, revendiqués par une nouvelle coalition terroriste appelée « Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans » (GSIM) ou son concurrent, l'État islamique dans le Grand Sahara. Du nord du Mali les violences se sont déplacées vers le centre du pays et ont débordé au Burkina Faso et au Niger. C'est au nom du « chaos, de l'anarchie et de l'insécurité »que le porte-parole des militaires putschistes, Ismaël Wagué, a notamment justifié la nuit dernière le renversement du pouvoir malien.

Ce chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air a assuré que la junte ne « tenait pas au pouvoir » mais « à la stabilité du pays » et promettait d'organiser de nouvelles élections générales dans des « délais raisonnables »

Le coup d'Etat a été unanimement condamné. A la demande de la France et du Niger, qui préside actuellement la Cedeao, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir en urgence, mercredi 19 août, pour examiner la situation au Mali.




Joanne Courbet pour DayNewsWorld