ETATS-UNIS DES ENJEUX DE TAILLE DANS LES MANIFESTATIONS PRO-PALESTINIENNES SUR LES CAMPUS UNIVERSITAIRES

Les images de policiers anti-émeutes intervenant sur les campus ont fait le tour de la planète et font vivement réagir le monde politique, à six mois de la présidentielle dans un pays polarisé. De nouvelles arrestations ont en effet eu lieu mercredi sur plusieurs campus américains, théâtres d'une mobilisation étudiante qui secoue les États-Unis depuis plusieurs jours contre la guerre en cours dans la bande de Gaza.

Démantèlements de campements de manifestants

Le mercredi 1er mai, les forces de police ont été mobilisées sur plusieurs campus universitaires américains, où de récentes arrestations ont eu lieu, intervenant après des interventions similaires à Los Angeles et à New York, lieux de convergence d'une mobilisation étudiante contre le conflit à Gaza qui agite le pays. À l'université du Texas à Dallas, la police a procédé au démantèlement d'un campement de manifestants et a arrêté au moins 17 personnes pour "intrusion criminelle", selon les informations fournies par l'établissement. 

Des responsables ont également signalé que les forces de l'ordre avaient appréhendé plusieurs individus à Fordham University, à New York, et avaient évacué un campement établi plus tôt dans la journée sur le campus. La police de la ville de New York a rapporté lors d'une conférence de presse que près de 300 personnes avaient été interpellées sur deux sites universitaires de la ville. 

Pendant la nuit de mardi à mercredi, les autorités ont utilisé la force pour déloger des manifestants pro-palestiniens retranchés dans un édifice de la prestigieuse université Columbia à Manhattan, point de départ de la mobilisation étudiante en faveur de Gaza.

 "Je suis désolée que nous en soyons arrivés là", a déclaré mercredi Minouche Shafik, la présidente de l'université. Elle a expliqué que les manifestants défendaient "une cause importante", mais que les récentes "actions de destruction" menées par des "étudiants et militants extérieurs" avaient conduit à l'intervention des forces de l'ordre, condamnant également les "propos antisémites" tenus lors de ces rassemblements.

A Harvard, ainsi que dans de nombreuses autres universités, des manifestations ont éclaté, accompagnées de contre-manifestations, mettant en évidence les divergences au sein de la communauté étudiante et la complexité croissante de la gestion des confrontations. Les incidents antisémites, les critiques envers Israël et les débats autour du soutien aux Palestiniens nourrissent les divisions sur les campus.

Cette polarisation ramène la question israélo-palestinienne au centre des préoccupations, mettant les dirigeants des universités dans une position délicate : ceux-ci doivent en effet arbitrer en permanence entre la protection de la liberté d’expression et celle de la sécurité, tout en conservant de bonnes relations avec les donateurs, qui représentent une source majeure de financement pour les établissements d’enseignement supérieur aux États-Unis.

La position délicate présidents d' université et le poids des donateurs

Aux États-Unis, particulièrement, les dirigeants des universités sont confrontés à des dilemmes complexes. Leurs déclarations officielles, sont examinées attentivement non seulement par les étudiants et les médias, mais également par les donateurs. Certains bienfaiteurs ont ouvertement critiqué les présidents d'université pour des positions insuffisamment fermes envers les violences perpétrées

A l'Université de Pennsylvanie, la présidente Liz Magill a été désavouée pour avoir autorisé la participation et l'expression de personnalités considérées comme antisémites, parmi lesquelles Roger Waters, ancien leader du groupe de rock Pink Floyd, lors du festival de littérature "Palestine Writes". Cela a entraîné la démission de plusieurs membres du conseil d'administration et a suscité une série de protestations parmi les donateurs.

Harvard a également été sous les projecteurs, suite à une lettre ouverte signée par de nombreuses organisations étudiantes, publiée sur les réseaux sociaux dès le soir du 7 octobre, accusant Israël de porter la responsabilité des violences en cours. L'indignation a éclaté face au silence initial de la présidente de Harvard, Claudine Gay, qui a finalement condamné la lettre quelques jours plus tard. 

Des figures influentes telles que l'ancien président de l'université, Lawrence Summers (qui fut secrétaire au Trésor des États-Unis de 1999 à 2001 sous Bill Clinton), ainsi que les sénateurs républicains Ted Cruz et Mitt Romney (eux-mêmes anciens de Harvard) ont appelé à des mesures plus fermes contre l'antisémitisme, soulignant le risque de mise en danger des étudiants juifs. Harvard a d'ailleurs perdu le soutien de certains donateurs de poids, dont la Fondation Wexner.

Compte tenu du modèle économique des grandes universités de recherche américaines, essentiellement dépendantes des revenus de leur capital (endowment) et du mécénat, les donateurs exercent une influence croissante. 

Le défi consistant à concilier liberté académique et attentes des donateurs n’épargne aucune institution.

Un enjeu à l’approche de l’élection présidentielle

À l’approche de l’élection présidentielle américaine, il convient de regarder de près la façon dont les campagnes de Trump et de Biden réagissent aux manifestations étudiantes en cours.

La Maison Blanche a condamné ce mercredi 1er mai un "petit pourcentage d'étudiants qui provoquent du désordre". "Les étudiants ont le droit d'aller en cours et de se sentir en sécurité", a encore déclaré Karine Jean-Pierre, porte-parole de l'exécutif.

Biden a condamné de la même manière " les manifestations antisémites " et " ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe avec les Palestiniens ". Trump a qualifié les récentes manifestations d’  "antisémites " et de " bien pires " que le rassemblement nationaliste blanc de 2017 à Charlottesville. Su Fox Nerws, le bandeau à l’écran évoquait des manifestants " anti-Israël ". A l’antenne, Stephen Miller, conseiller de l’ombre de Donald Trump, affirmait que " tout cela est à cause de Joe Biden. Lui et son parti soufflent sur les braises de l’antisémitisme. "

Aux Etats-Unis, la mobilisation pro-palestinienne sur les campus devient un enjeu dans l'élection présidentielle .




Joanne Courbet pour DayNewsWorld