MISSION PSYCHE  SUR L'ASTEROIDE DE METAL

AVANCEE SCIENTIFIQUE ET INTERET COMMERCIAL

DANS UN CADRE JURIDIQUE A DEFINIR

Initialement prévu pour le 5 octobre 2023, le lancement de la sonde a été repoussé d'une semaine afin de vérifier le bon fonctionnement des petits propulseurs équipant l'appareil. Laurie Leshin, directrice du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, a souligné l'importance de ces dispositifs, bien que ne constituant pas le système de propulsion principal, ils sont cruciaux, notamment juste après le lancement, pour garantir leur fiabilité lorsqu'ils seront nécessaires. Ces propulseurs aideront l'appareil à s'orienter correctement par rapport à la Terre.

Alimentée par deux grands panneaux solaires, la sonde sera propulsée par quatre moteurs ioniques expulsant du xénon à grande vitesse, assurant un voyage de six ans. En mai 2026, Psyché bénéficiera d'un coup de pouce gravitationnel de la planète Mars avant de se diriger vers la ceinture d'astéroïdes entre Mars et Jupiter.

Pourquoi retourner observer un astéroïde alors que les missions japonaise Hayabusa-2 et américaine Osiris-REx ont déjà récolté de nombreuses données sur deux de ces corps célestes, Ryugu et Bénou, et en ont rapporté des échantillons ? Parce que le terme « astéroïde » englobe en réalité toute une diversité d'astres, et Psyché, la cible de la mission de la NASA, diffère considérablement de ses homologues.

D'abord par sa taille :

Cet astéroïde de 280 km de diamètre vaut si cher parce qu’il fait partie des astéroïdes de « type M », c’est-à-dire qu’il est principalement composé de métaux. 

Ensuite, par sa composition :Psyche est constitué de nickel, de fer et d’or. Ce genre d’astéroïde est assez rare dans notre système solaire et pourrait nous permettre de répondre à bien des questions sur l’origine de planètes comme la Terre, c’est pour cette raison que la Nasa envoie une sonde spatiale vers Psyche, ce vendredi 13 octobre 2023.

Étudier le cœur de notre planète

L'intérêt principal de cette mission est de recueillir un maximum d'informations sur cet objet stellaire, similaire au noyau terrestre. Toutes les planètes rocheuses, y compris la Terre, ont un noyau métallique, mais nous en savons encore peu sur le nôtre en raison des limitations d'accès imposées par la chaleur et la pression extrêmes. Le roman de Jules Verne « Voyage au centre de la Terre » reste malheureusement de la pure fiction.

Ainsi, il est plus facile pour les scientifiques d’aller observer Psyche et son cœur à nu. « L’une des théories existantes est qu’il était dans les entrailles d’une planète en formation », explique David Oh, Ingénieur et chef de projet au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa. « Psyche a pu être le noyau métallique qui se formait à l’intérieur d’une bébé planète, qui est ensuite entré en collision avec une autre planète, qui a arraché ce manteau rocheux, ne laissant qu’un morceau de ce noyau dans l’espace ».

Ainsi, en étudiant Psyche, les scientifiques pourraient étudier en détail le noyau terrestre de planètes comme la nôtre pour la première fois. Plus encore, étant donné que les scientifiques supposent qu’il s’agit des restes d’une planète au commencement de notre système solaire, les informations collectées pourraient nous éclairer sur la manière dont les planètes se sont formées.

En particulier, étant donné que les scientifiques supposent que Psyché est un vestige d'une planète des débuts de notre système solaire, les données collectées pourraient éclairer le processus de formation planétaire. Il s'agira de la première exploration non seulement d'un astéroïde de ce type, mais aussi d'un tout nouveau monde composé de métal.

Une valeur de 10 000 milliards de dollars

Si l'apport pour la science s'annonce énorme, l'attractivité commerciale et le cadre juridique de ces nouvelles missions d'exploration et d'exploitation des ressources spatiales posent encore question.

Bien que cette mission ait une portée principalement scientifique, la valeur de l'astéroïde pourrait susciter des convoitises et déclencher une ruée vers l'or.

Avec un diamètre avoisinant les 220 km, l'astéroïde Psyché pourrait en effet représenter une valeur de 10 000 milliards de dollars (soit environ 9 534 milliards d'euros), selon des estimations relayées par le magazine américain Forbes. 

Cela dépasse le cumul des économies mondiales, suscitant un vif intérêt et soulevant des questions sur l'exploitation des ressources minières spatiales pour pallier la rareté de certains métaux sur Terre. En outre nombre d'astéroïdes de type H, qui ont une composition en métal bien plus importante que celle la Terre, se trouvent en quantité abondante.

Un secteur déjà très investi

Les sénateurs de la délégation à la prospective soulignent dans un rapport publié en juin que l'exploitation des ressources spatiales n'est plus un scénario de science-fiction, mais une réalité.

Des acteurs, notamment du secteur privé, se mobilisent déjà pour se positionner sur ce futur marché.La filière n'en est d'ailleurs pas au stade embryonnaire puisque des acteurs, notamment dans le privé, s'activent déjà pour s'assurer une place sur ce (futur) marché. D'autant que l'espoir d'exploiter des minerais issus de l'espace est nourri par les dernières avancées scientifiques. La mission Osiris-Rex est par exemple revenue sur Terre en septembre avec 250 grammes d'échantillons de l'astéroïde Bennou, la plus grande quantité d'un tel corps céleste jamais rapportée sur notre planète.

Au début des années 2010, des entreprises américaines avaient posé l'ambition d'y parvenir. Les dirigeants de Google Larry Page et Eric Schmidt, mais aussi le réalisateur d'Avatar James Cameron, avaient investi dans l'une de ces sociétés dès 2012. Le duché du Luxembourg avait fait également l'acquisition, en 2016, de 10% de l'une de ces start-up. Le soufflé était retombé en 2018. 

Certaines entreprises du secteur ont fait faillite ou ont été rachetées pour se réorienter vers d'autres domaines spatiaux. Les récentes avancées scientifiques alimentent l'espoir d'exploiter les minerais provenant de l'espace. Des entreprises comme AstroForge aux États-Unis, Asteroid Mining Corporation au Royaume-Uni et ispace au Japon se positionnent en pionnières de ce mouvement. 

L'entreprise américaine AstroForge multiplie les essais avec des robots spatiaux de prospection autonome afin d'exploiter des ressources extraterrestres. Elle espère pouvoir lancer sa première véritable mission à la fin de l'année 2025 et en rapporter sur Terre d'ici 2030, a déclaré Matt Gialich, cofondateur de la start-up sur la chaîne américaine CNN, en avril. 'AstroForge affirme avoir dans le viseur 31 astéroïdes riches en platine

La lune étape incontournable

Avec la signature des accords Artemis en 2020, prévoyant un retour humain sur la Lune, l'installation d'une base et l'exploitation de ses ressources, la perspective d'exploiter des minerais extraterrestres est devenue plus concrète."La Lune, c'est clairement l'étape incontournable" avant d' aller plus loin dans l'exploration de Mars et d'exploiter des corps célestes, résume Florian Vidal, rappelant que le retour sur notre satellite naturel donne lieu à une nouvelle course mondiale mêlant la Chine, la Russie, l'Inde ou encore les Emirats arabes unis.

Toutefois, des défis technologiques, financiers et juridiques subsistent, notamment concernant le rapatriement des minerais sur Terre. Certains experts suggèrent d'exploiter les ressources des astéroïdes sur place à des fins scientifiques. Cela pourrait servir à alimenter des sondes pour prolonger leur durée de vie. Par exemple la mission Juice, partie mi-avril explorer les lunes glacées de Jupiter. Les ressources pourraient également être rapportées sur notre planète.

L'urgence du cadre juridique

En parallèle des considérations techniques et scientifiques, se pose l'épineuse question de la propriété des ressources venues de l'espace. Mais est-ce seulement possible de s’approprier un astéroïde ? Là-dessus, Armel Kerrest, professeur en droit de l’espace et vice-président du centre européen de droit spatial de l’ESA est catégorique : « Sur le plan juridique il y a des règles qui ont été fixées dans le traité de 1967, qui prévoit que les corps célestes ne peuvent pas faire l’objet d’appropriation ».

Plusieurs pays, comme les Etats-Unis, le Luxembourg, le Japon ou les Emirats arabes unis ont adopté des textes pour encadrer ces activités. La Chine, la Russie ou encore l'Arabie saoudite sont également dans les starting-blocks.

En effet, le traité stipule que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen. »

A l'échelle mondiale, ces questions juridiques "doivent être traitées de toute urgence afin d'éviter des guerres spatiales pour les ressources naturelles, estime l'Ifri dans une note de mai 2023 . Ces questions devraient idéalement être réglées avant de se lancer dans l'exploitation minière et énergétique de l'espace."




Larry Ricky pour DayNewsWorld