DES EXPLOSIONS DE LA TAXE FONCIERE

 EN FRANCE

Cette année, les taxes foncières sur les propriétés bâties (TFPB) atteignent des niveaux remarquablement élevés. 

La presse économique parle même d'une "explosion" de cet impôt, avec des augmentations à deux chiffres qui dépassent largement le taux d'inflation (+51,9 % à Paris, +31,5 % à Grenoble, +21,2 % à Troyes, +20,5 % à Metz, +19,6 % à Issy-les-Moulineaux, etc.).

Bien que la Direction générale des finances publiques ait souligné en août dernier que ces hausses spectaculaires et médiatisées ne définissent pas nécessairement une tendance, il est indéniable que quelque chose se trame en matière d'imposition foncière. Examinons les raisons derrière cette augmentation potentiellement tendancielle.

Premièrement, il est important de noter que nous parlons ici uniquement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui ne constitue qu'une partie de la somme totale indiquée sur la première page de votre avis d'imposition. 

En réalité, d'autres prélèvements sont associés à la TFPB, tels que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la taxe Gemapi pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, ainsi que certaines taxes spéciales d'équipement. Ces impôts annexes suivent leur propre dynamique et contribuent à l'augmentation totale de la facture.

La taxe foncière sur les propriétés bâties est calculée de manière assez simple : elle résulte du produit d'une assiette, en l'occurrence l'estimation de la valeur de votre bien immobilier, multipliée par un taux d'imposition. L'évolution annuelle de ces deux composantes est partagée entre plusieurs acteurs :

- La valeur locative cadastrale, qui fluctue chaque année en fonction d'un indice de révision, précédemment déterminé par les parlementaires dans le cadre de la loi de finances.

- Le taux d'imposition, quant à lui, relève des collectivités locales récipiendaires de l'impôt, comme les communes et les intercommunalités, qui le votent chaque année en même temps que leur budget primitif.

En 2023, l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties a connu une augmentation record de 7,1 %. 

Cette hausse exceptionnelle fait suite à une augmentation déjà notable de 3,4 % en 2022. Pour mettre ces chiffres en perspective, rappelons qu'entre 2005 et 2015, l'augmentation annuelle moyenne était de 1,6 %. C'est là le principal moteur de l'augmentation de la taxe foncière.

Alors, pourquoi une telle augmentation, alors que l'on pourrait s'attendre à ce que les parlementaires veillent à préserver le pouvoir d'achat de leurs concitoyens ? 

Depuis les années 1980, les parlementaires ajustaient l'indexation annuelle de l'assiette en tenant officiellement compte de la variation des loyers, mais en réalité en fonction du contexte économique et social.Cependant, dans le cadre de la loi de finances pour 2017, les parlementaires ont décidé de dépolitiser cette augmentation en l'automatisant, basée désormais sur l'indice des prix à la consommation. 

Malheureusement, personne n'aurait pu prévoir le retour de l'inflation que nous connaissons aujourd'hui, et les parlementaires ont renoncé à une prérogative historique qui était la leur.
Tant qu'il y aura de l'inflation, conformément au cadre actuel, l'assiette de la taxe foncière continuera donc d'augmenter.

On pourrait penser que si l'assiette augmente au rythme de l'inflation, le taux de la taxe foncière pourrait rester stable. Cependant, ce n'est pas le cas, pour plusieurs raisons :

D'une part, les autres sources de revenus des communes et de leurs intercommunalités augmentent moins rapidement que l'inflation. Les dotations de l'État, qui étaient traditionnellement ajustées en fonction de l'inflation et d'une partie de la croissance, se sont stabilisées après quelques années de baisse.


D'autre part, nous sommes actuellement dans la première moitié du cycle électoral local, avec les maires élus en 2020, rééligibles en 2026, qui ont naturellement augmenté les taux des impôts locaux en 2022 ou en 2023 pour financer la mise en œuvre de leurs programmes, évitant ainsi d'avoir à le faire à l'approche des prochaines élections.

Enfin, la taxe d'habitation ayant été supprimée, tout comme la taxe professionnelle il y a une décennie, aucun nouvel outil fiscal n'a été mis en place pour combler ce vide. 

En conséquence, lorsque les collectivités locales ont besoin d'augmenter leurs ressources budgétaires, elles n'ont pratiquement d'autre choix que d'augmenter la taxe foncière.

Ces explications ne couvrent que les raisons principales de cette hausse. 

Les élus locaux invoquent également la nécessité d'investir dans des projets publics conformes aux attentes des citoyens, de rétablir l'équilibre budgétaire après des années de dépenses publiques massives, d'absorber les augmentations budgétaires imposées par l'État, comme la hausse des rémunérations des fonctionnaires, entre autres justifications plus ou moins légitimes.

Qu'en est-il de l'avenir ? 

En 2023 , sera-t-elle une année record  ou simplement une étape  supplémentaire dans la hausse continue de la taxe foncière ? 

Les prévisions sont incertaines, même pour les meilleurs analystes. 

Mais il est peu probable que la facture ne cesse de s'alourdir dans les années à venir.

Cela s'explique en grande partie par les investissements nécessaires pour adapter nos villes aux défis du changement climatique, auxquels les municipalités et leurs intercommunalités sont confrontées en priorité.




Abby Shelcore pour DayNewsWorld