POUSSEE PROTECTIONNISTE EN EUROPE DE L'EST CONTRE LES CEREALES UKRAINIENNES

Au cours du week-end, la Pologne et la Hongrie ont décidé d'interdire jusqu'au 30 juin les importations de céréales (et d'autres produits agricoles) en provenance d'Ukraine qui, selon Varsovie et Budapest, déstabilisent leurs marchés agricoles nationaux. Ces grains bénéficient depuis 2022 d'une exemption de droits de douane pour permettre à Kiev d'exporter malgré la fermeture de certaines voies maritimes par la Mer noire .

Mais ils ne sont pas toujours réexportés vers des pays tiers comme ils le devraient et s'empilent dans les silos des pays voisins ou proches voisins de l'Ukraine. Ils y font baisser les prix et alimentent la colère des agriculteurs locaux.

Samedi, Varsovie "a donc décidé d'interdire l'entrée, les importations de céréales en Pologne ainsi que de dizaines d'autres produits agroalimentaires", a expliqué le chef du parti au pouvoir, le conservateur Jaroslaw Kaczynski. 

Sans quoi, à ses yeux, "cela conduirait à une grave crise du secteur agricole en Pologne". 

La Pologne est un pays agricole, les acteurs du secteur votent, et les élections approchent. 

Le 5 avril 2023, le ministre polonais de l'Agriculture et du Développement rural, Henryk Kowalczyk, a dû démissionner de ses fonctions.

"Nous soutenons l'Ukraine, mais nous devons aussi défendre les intérêts de nos citoyens."

Du côté de la Hongrie, il s'agit des céréales, des oléagineux et de plusieurs autres produits agricoles, selon un communiqué du ministère de l'Agriculture. Et ce, là aussi, au nom de la défense des "intérêts de la communauté agricole hongroise".

La Pologne, mais également d'autres pays dans la région – la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie –, veulent que le sujet soit de nouveau posé sur la table à Bruxelles.

Réserve de crise agricole

Ce lundi d'ailleurs, la Slovaquie est elle aussi passée à l'acte, tout en continuant d'autoriser le transit, contrairement à la Pologne. La Bulgarie a indiqué son intention de lui emboîter le pas. Sofia estime que si une poignée de pays prononcent une interdiction d'importation, les flux vont se reporter sur les autres pays concernés.

L'annonce de Budapest et de Varsovie intervient alors que les Vingt-Sept ont adopté, il y a deux semaines, un plan d'aide de la Commission de 56 millions d'euros pour soutenir les agriculteurs affectés par la baisse des prix. Les fonds, tirés de la réserve de la PAC, doivent être déboursés d'ici septembre 2023, et la Pologne doit en être le principal bénéficiaire, le reste allant à la Roumanie et à la Bulgarie.

Un second plan d'aide est en préparation. Vu de Bruxelles, c'est donc un revirement de la part de Varsovie, qui plaidait jusqu'ici pour davantage de solidarité avec l'Ukraine. Un revirement qui risque de peser sur les discussions autour du renouvellement de l'accord de 2022, celui qui avait acté la levée des barrières tarifaires sur les produits ukrainiens pour un an.

Problème des droits de douane

Depuis le mois dernier, ces cinq États membres expriment en fait le souhait que la Commission revienne sur sa décision concernant les droits de douane. De nouvelles mesures, plaident-ils, pourraient être envisagées afin de remplir l'objectif initial, la réexportation des grains ukrainiens vers les pays d'Afrique et du Moyen-Orient, tout en évitant les externalités négatives, les effets pervers.

"L'objectif ultime n'est pas de maintenir indéfiniment l'interdiction d'importation mais de veiller à ce que les céréales ukrainiennes destinées à l'exportation soient acheminées là où elles doivent l'être", a tenté de dédramatiser lundi le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Pawel Jablonski.

D'après les données officielles ukrainiennes, quelque trois millions de tonnes de céréales quittent le sol ukrainien chaque mois via la mer Noire, en vertu d'un accord conclu sous l'égide des Nations unies et de la Turquie, alors que 200 000 tonnes supplémentaires sont acheminées à travers la Pologne vers des ports européens.

Compétence exclusive

La Commission européenne n'a vraiment pas apprécié l'initiative des pays d'Europe centrale. "Il est important de souligner que la politique commerciale relève de la compétence exclusive de l'UE et que les actions unilatérales ne sont pas acceptables", a insisté une porte-parole. "En ces temps difficiles, il est crucial de coordonner et d'aligner toutes les décisions au sein de l'UE", a-t-elle ajouté.

Les tensions actuelles, en creux, soulignent les grands défis que poserait une adhésion de l'Ukraine à l'UE, notamment pour la politique agricole commune et la politique de cohésion. 

Le pays de 604.000 km2 et 44 millions d'habitants a reçu en juin dernier le statut de candidat à l'UE.




Abby Shelcore pour DayNewsWorld