MALGRE L'APPEL DE DONALD TRUMP

 LES REPUBLICAINS N'ONT TOUJOURS PAS ELU

 LEUR SPEAKER

Du jamais-vu depuis un siècle. Le Parti républicain ne parvient pas, depuis mardi 3 janvier, à choisir son « speaker » de la Chambre des représentants. La faute à quelque vingt trumpistes qui font de la résistance en refusant de voter pour Kevin McCarthy.

Le républicain Kevin McCarthy, favori pour remplacer Nancy Pelosi à ce poste, s'accrochait toujours à sa candidature au début d'un quatrième jour de négociations. Les débats doivent reprendre à 12H00 (17H00 GMT) dans l'hémicycle de la Chambre des représentants.

Les onze premiers tours de scrutin se sont en effet soldés par autant d’échecs : alors qu’il faut 218 voix à Kevin McCarthy pour être élu, celui-ci n'a pas réussi à dépasser les 203 dans le meilleur des cas. Ce blocage du Congrès conduit les États-Unis à une « impasse historique », selon le New York Times. Une première depuis 1923, lorsqu'il avait fallu neuf tours de scrutin à la Chambre pour élire un président.

« Frange extrême »

Le Congrès se voit complètement paralysé par la fronde d'une vingtaine d'élus trumpistes, qui bloque l'élection d'un « speaker ». « Ils font du blocage parce qu’ils font partie du Freedom Caucus (le comité électoral le plus conservateur et d'extrême droite du Parti républicain, NDLR) et qu’ils considèrent Kevin McCarthy trop modéré », explique Anne Deysine, professeure des universités et autrice de Les États-Unis et la Démocratie (éd. L’Harmattan, 2019).

Kevin McCarthy a pourtant tendu la main aux électrons libres bloquant son élection, leur offrant des concessions de taille lors de négociations en coulisses. En vain.

Les justifications ne manquent pas pour faire barrage à Kevin McCarthy. « Il ne faut pas le prendre personnellement, mais l'avenir de notre pays en dépend », a assuré, durant les débats, le représentant du Texas, le trumpiste Chip Roy.

Kevin McCarthy est un membre de l'état-major républicain depuis plus de dix ans, un statut que dénoncent les plus conservateurs de son parti, pour qui Kevin McCarthy n’est pas un 'vrai' conservateur, mais fait partie du système.

Surtout, ces représentants conservateurs sont en position de force car ils profitent de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat – 222 sièges à la Chambre des représentants, la majorité étant à 218. Il suffit donc que cinq d’entre eux poursuivent dans leur refus de choisir Kevin McCarthy pour que le blocage se poursuive.

Troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, le « speaker » a besoin d'une majorité de 218 voix pour être élu. M. McCarthy plafonnait pour le moment à 201.

Mais combien de temps sa candidature restera-t-elle viable?

Membre de l'état-major républicain depuis plus de dix ans, l'élu ne dispose pas pour l'instant de concurrent crédible. Seul le nom du chef de groupe Steve Scalise circule comme possible alternative, sans que ses chances ne semblent sérieuses.

Ce qui n'est généralement l'affaire que de quelques heures pourrait s'étendre sur plusieurs semaines: en 1856, les élus du Congrès ne s'étaient accordés qu'au bout de deux mois et 133 tours.

L'agacement était d'ailleurs palpable dans les membres du « Grand Old Party », qui soutiennent largement la candidature de Kevin McCarthy, donnant lieu à des débats très animés dans l'hémicycle. L'état-major républicain sait aussi qu'il ne peut pas se permettre d'aller trop loin et de s'aliéner les républicains modérés.

L'ancien président Donald Trump lui-même, mercredi matin, a appelé sur son réseau social à tout faire pour « éviter une défaite embarrassante » : « Il est désormais temps pour nos grands élus républicains à la Chambre de voter pour Kevin » McCarthy, qui fera « un bon boulot, et peut-être même un super boulot ».

Des répercussions très concrètes

Ce blocage a des répercussions très concrètes: sans « speaker », les élus ne peuvent ni prêter serment ni donc voter de projet de loi. Mais les 434 membres de la Chambre des représentants, théâtre de ce singulier spectacle, continueront à voter jusqu'à ce qu'un président soit élu.

L'occasion également, pour les démocrates, de dénoncer la mainmise des fidèles de Donald Trump - dont beaucoup refusent toujours de reconnaître sa défaite en 2020 - sur le parti républicain, deux ans après l'attaque menée par ses partisans contre le siège du Congrès.

« Le chaos qui règne à la Chambre des représentants n'est qu'une autre illustration de la façon dont une frange extrême (...) les empêche de gouverner », a assuré le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer. Chez les démocrates l’atmosphère est donc à l’unité… et à l’exploitation des divisions actuelles du camp adverse.

Mais le parti de Joe Biden a beau faire preuve d'unité autour de son chef Hakeem Jeffries, le camp ne dispose pas non plus d'assez de voix pour mettre fin à cette paralysie.




Jenny Chase pour DayNewsWorld