ELON MUSK VEUT  REVOLUTIONNER TWITTER

AU NOM DE LA LIBERTE D'EXPRESSION

Le feuilleton à rebondissements lancé en octobre a enfin touché à sa fin.

Le vendredi 28 octobre, Elon Musk officialisait la nouvelle : il prend les rênes du réseau social Twitter, racheté pour la somme de 44 milliards de dollars américains.

Bien que Twitter compte bien moins d’utilisateurs que ses concurrents comme YouTube, Facebook, Instagram ou encore TikTok, Twitter est considéré comme un véritable outil d’influence, notamment du fait de son usage par de nombreuses figures du milieu politique, artistique et médiatique. En outre, il est fréquent que les médias dits « traditionnels » reprennent et commentent sur leur propre support ce qui a été dans un premier temps publié sur la plate-forme de l’oiseau bleu, ce qui accroît la perception et la réalité de son importance pour le discours public.

Dès le rachat officiel, le patron de Tesla et SpaceX indique acquérir le réseau social dans le but de révolutionner Twitter.

« La liberté d’expression »

Tout d'abord Elon Musk, cet « absolutiste de la liberté d’expression », a indiqué que la liberté d’expression devient la clef de voûte de Twitter. Elle existe selon lui si « des personnes que l’on n’aime pas sont autorisées à exprimer des idées que l’on n’aime pas ». Sur son support numérique préféré, il affirme que « les politiques d’une plate-forme de réseaux sociaux sont bonnes si les 10 % les plus extrêmes à gauche et à droite sont également mécontents ».

D'où sa prise de position relativement claire : celui-ci s’est exprimé contre les suspensions permanentes de comptes, disant préférer celles de caractère temporaire. En cela, il s’écarterait en effet de la pratique ancienne de Twitter, qui applique l’une ou l’autre de ces sanctions en fonction de la gravité des faits. Par conséquent une de ses toutes premières décisions pourrait consister à rétablir le compte de l’ancien président américain Donald Trump, suspendu pour « incitation à la violence » après l’assaut lancé contre le Capitole le 6 janvier 2021.

Seul aux commandes, le patron de Tesla commence déjà son grand remaniement Celui qui oeuvre à améliorer la situation, que ce soit au niveau bancaire (Paypal - à l'époque où il en était le directeur), au niveau de l'énergie (Solar City), au niveau de la transition vers l'après pétrole (Tesla) , au niveau de l'accès à l'espace (SpaceX), ou encore au niveau de l'accès à Internet pour tous (Starlink),a expliqué dimanche vouloir faire de Twitter « la source d’information la plus fiable sur le monde »…

Sa chasse aux faux-comptes et sa volonté de certifier (blue check) les utilisateurs sont un pas dans la bonne direction .

« Plus de pouvoir au peuple »

Sur le réseau social Twitter, l'encoche bleue de certification pourra ainsi être obtenue par tout le monde à condition de payer un abonnement de 8 dollars par mois. « La vérification étendue à tous va démocratiser le journalisme et donner plus de pouvoir au peuple », a-t-il tweeté dimanche.« Twitter Blue » à 8 dollars par mois.

Jusqu’à présent, seuls les comptes éligibles (gouvernements, médias, personnalités politiques, culturelles, etc) pouvaient en effet obtenir l’ajout d’une coche bleue à leur profil, en guise de gage d’authenticité. Or dès son acquisition de Twitter il y a dix jours, le patron de Tesla a lancé une refonte de ce système, afin que chacun puisse obtenir le fameux badge, et d’autres outils pratiques, en s’abonnant à « Twitter Blue » pour 8 dollars par mois.

Sur les iPhone, l’application mobile du réseau social mentionne déjà l’arrivée de la nouvelle formule, mais son lancement a été reporté au mercredi 9 novembre, le lendemain des élections parlementaires américaines, d’après le New York Times.

« Pouvoir au peuple : Votre compte recevra une coche bleue, tout comme les célébrités, les entreprises et les politiciens que vous suivez déjà », promet désormais Twitter.

« Pour le « peuple », contre les « élites » dirigeantes… »

Selon Barthélémy Michalon, Professeur au Tec de Monterrey (Mexique),la communication du patron de Twitter autour de sa prise de pouvoir épouse les contours de ce qui caractérise un discours populiste. Et il analyse comme suit dans le média en ligne TheConversation.

'' Elon Musk a en effet fait usage de l’outil qu’il s’apprêtait à acquérir pour s’adresser directement à la communauté d’utilisateurs de la plate-forme et recueillir son opinion sur différents sujets. Si certaines questions étaient d’ordre secondaire (comme le fameux « bouton d’édition » d’un tweet déjà publié), d’autres touchaient au fonctionnement même de la plate-forme et à son impact sur la démocratie.Des consultations qui ne sont pas sans rappeler la tendance, relativement marquée chez les formations politiques populistes, à convoquer des référendums ou à en promettre l’organisation dans leurs programmes électoraux. Ces sondages en ligne, véritables défis lancés sur la place publique au statu quo, visaient également à exercer une pression notable sur ceux qui étaient alors à la tête de Twitter, en l’occurrence le rejet de « l’élite » au pouvoir.

Musk est d'ailleurs allé bien plus loin dans cette direction, en affirmant que la mise à l’écart de l’équipe dirigeante en place était une condition indispensable à la mise en œuvre des transformations d’ampleur promises sur la plate-forme. Aussi a-t-il licencié les principaux dirigeants de la plateform dont le CEO Parag Agrawal Selon ses dires, c’est cette intention qui a guidé sa décision de « transformer Twitter en une entreprise privée » (elle était alors une entreprise « publique » au sens anglo-saxon, car cotée en bourse), et donc d’en prendre le contrôle de façon directe. Dans son offre d’achat, il promettait ainsi sans ambages : « je débloquerai le potentiel de Twitter ».

… et au nom d’une supposée « volonté générale »

Afin de satisfaire cette « volonté générale », Musk a mis sur la table une série de propositions pour faire évoluer la plate-forme, notamment lors d’une conversation publique, tenue le 14 avril dans le contexte de la conférence annuelle de TED. Musk propose ainsi de supprimer les comptes automatisés (bots),(... ). Il promet également d’éliminer les messages frauduleux (scams), qui visent à tromper leurs destinataires, à des fins économiques et/ou de piratage.''

Eviter la désinformation ou les appels à la violence

La liberté d’expression comme clef de voûte de Twitter est donc un des piliers fondamentaux de la démocratie . Cependant Elon Trust sait aussi non seulement que Twitter restera soumis aux lois nationales mais qu'il devra introduire un autre facteur de limitation en admettant que la parole devrait y être libre « autant que raisonnablement possible »...Une volonté affirmée d'éviter le danger de la désinformation ou les appels à la violence qui peuvent circuler avec tant de vitesse et de facilité.

«C'est d'ailleurs les craintes des entreprises pour faire de la publicité sur la plateforme, la possible augmentation des propos haineux ou de la désinformation au nom de la liberté d’expression voulue par le nouveau patron. Plusieurs groupes, dont Volkswagen​, General Mills​, Pfizer, ont ainsi marqué une pause dans leurs achats de publicité -, toujours en quête d'un environnement approprié (« Brand Safety ») pour promouvoir leurs marques. General Motors a suspendu temporairement ses publicités payantes sur Twitter.

La revanche de Musk sur les annonceurs

Le milliardaire semble cependant tenir sa revanche sur les annonceurs qui ont stoppé leur publicité sur le réseau social. Mardi 9 novembre 2022 , les équipes marketing ont reçu un document reprenant une session de questions-réponses auprès des employés. Devant servir dans l’argumentaire de ventes de créneaux publicitaires, il y est indiqué que Twitter accueille 15 millions d’utilisateurs quotidiens monétisables supplémentaires. Au total, la note interne indique que le nombre de comptes pouvant générer des revenus à « dépasser le quart de milliard ». Depuis le rachat d’Elon Musk, la croissance d’utilisateurs actifs chaque jour a grandi de plus de 20%.

Les derniers résultats officiels de Twitter, au deuxième trimestre, avançaient un nombre d’utilisateurs quotidiens monétisables de 237,8 millions et 16,6% de croissance sur l’année.

Cette hausse se vérifie partout, mais « encore plus aux Etats-Unis », précise le document. Un détail important puisque le territoire américain concentre la plus grande partie des utilisateurs de Twitter, et donc de ses potentiels revenus. Et aucune hausse des propos haineux ne serait observée.Malgré un pic de propos haineux et racistes (dus à des campagnes ciblées, assure Twitter), le document interne précise que les messages de ce type restent dans les normes historiques de la plateforme. Ces tweets représentent ainsi 0,25% à 0,45% des centaines de millions de publications par jour.

L’effet Elon Musk semble donc se vérifier.

« Twitter doit devenir de loin la source d’informations la plus fiable sur le monde. C’est notre mission. », assure Elon Musk dans son projet révolutionnaire et sa volonté de rupture au nom de la liberté d’expression.

« Et pour faire cela, je vais laisser n’importe qui me donner de l’argent pour apparaître comme une source légitime d’information, au lieu de garantir que toutes les sources légitimes d’information soient correctement authentifiées », a réagi un utilisateur.

« Vous illustrez le problème », lui a rétorqué Elon Musk. « Les journalistes qui pensent qu’ils sont la seule source d’information légitime, c’est le grand mensonge ». Ou contre la bien pensance...




Garett Skyport pour DayNewsWorld