LE PROJET DE LOI POUVOIR D'ACHAT

APREMENT DEBATTU

Le texte, qui a vocation à aider les Français à faire face à l'inflation, doit être présenté en Conseil des ministres le 6 juillet puis examiné au Parlement dans la foulée. Ce doit être le premier grand texte du second quinquennat d'Emmanuel Macron. Le projet de loi « pouvoir d'achat », censé être présenté en Conseil des ministres mercredi 6 juillet et examiné au Parlement dans la foulée, doit permettre de soulager les Français, plombés par une inflation qui devrait atteindre en moyenne 5,5% en 2022.

Son contenu fait déjà l'objet d'une âpre bataille politique entre les oppositions et l'exécutif, les premières comptant sur l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale du camp présidentiel pour imposer certaines de leurs mesures clés. C'est pourquoi le ministre de l’économie a alerté sur le niveau d’endettement de la France, ce lundi. Une manière d’appeler les oppositions à la retenue avant les débats du projet de loi pouvoir d’achat à l’Assemblée nationale.

La France a atteint sa « cote d’alerte » sur les finances publiques, a en effet estimé le ministre de l’économie Bruno Le Maire, lundi 27 juin, au moment où l’exécutif cherche un compromis avec l’opposition pour son projet de loi sur le pouvoir d’achat.

« Tout n’est pas possible, tout simplement parce que nous avons atteint la cote d’alerte sur les finances publiques », a affirmé M. Le Maire, ajoutant que « les conditions de financement ont changé » et qu’aujourd’hui la France emprunte « à plus de 2 % » pour financer les dépenses publiques, quand elle le faisait encore récemment à taux négatifs ou très faibles. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la dette publique française a dépassé 2 900 milliards d’euros à la fin du troisième trimestre, soit 114,5 % du produit intérieur brut (PIB), du fait aussi d’une croissance économique en berne.

Le projet de loi pouvoir d’achat, objet de toutes les tractations

A droite, le nouveau président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, a fortement insisté sur le risque d’une augmentation de la dette française, lundi matin sur Europe 1, quelques minutes avant la prise de parole de M. Le Maire. « Sur la question du pouvoir d’achat et d’un tel problème pour nos compatriotes, évidemment on va tout faire pour converger avec le gouvernement » et « avancer sur ces mesures », a déclaré le député d’Eure-et-Loire alors que Les Républicains, s’ils refusent de participer au gouvernement, assurent qu’ils voteront possiblement des textes « au cas par cas ».

M. Marleix a toutefois posé deux conditions : la nécessité de prendre en compte le fait que la question du pouvoir d’achat est « un sujet d’ampleur pour la France qui travaille », et « il faudra évidemment que le gouvernement accepte d’envisager la question du financement de ces mesures ».

« On sera exigeants à l’égard du gouvernement pour que ce soit financé. La situation de la dette française aujourd’hui est très grave (…) Le gouvernement ne peut pas dire : “Allez hop, 30 milliards de dette supplémentaire !” Ce serait irresponsable », a-t-il estimé, promettant que les députés LR « feront des propositions sur le sujet du financement ».

A gauche, le député et secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel, a souhaité sur CNews « une forte augmentation du pouvoir d’achat » avec notamment « une baisse tout de suite de la TVA sur l’essence ». « On ne se contentera pas de miettes » et « on va tous descendre dans la rue s’il le faut pour obtenir ces mesures », a-t-il prévenu.

Un coup de pouce de huit milliards d’euros pour les prestations sociales

Interrogé sur la proposition faite par plusieurs partis de l’opposition, comme Les Républicains ou le Rassemblement national, d’une baisse de taxe sur les carburants, M. Le Maire a assuré que le gouvernement allait « discuter » avec ces formations mais que « l’esprit de compromis doit s’accompagner d’un esprit de décision ».

La prolongation de mesures existantes

Plusieurs mesures déjà mises en œuvre ces derniers mois pour lutter contre la hausse des prix devraient être prolongées. C'est le cas du bouclier tarifaire sur l'énergie (qui vient déjà d'être prolongé par décret jusqu'au 31 décembre 2022), et qui plafonne les tarifs de vente du gaz et de l'électricité. La remise de 18 centimes par litre sur les carburants tient encore aussi, au moins pour le mois d'août. Le gouvernement réfléchit en parallèle à un nouveau dispositif plus ciblé sur les gros rouleurs, mais son articulation avec la remise n'est pas tranchée, a assuré vendredi 24 juin la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

L'indemnité inflation, ponctuelle, devrait également faire son retour sous le nom de chèque alimentation. Le gouvernement a abandonné l'idée d'un chèque alimentaire mensuel, qui devait permettre l'accès à des produits de qualité. Cette nouvelle aide financière, dont le montant n'est pas encore fixé, sera versée « en une fois » et « à la rentrée », directement sur le compte bancaire des plus modestes, a annoncé la Première ministre, Elisabeth Borne. Tout en assurant que la réflexion continuait sur un chèque alimentaire plus ciblé sur les produits « de qualité » et « bio ».

Enfin, la prime Macron, qui avait fait son apparition durant la crise des « gilets jaunes », sera pérennisée et son plafond triplé. Les entreprises pourront donc verser jusqu'à 3 000 euros à leurs salariés, voire 6 000 euros pour les entreprises de moins de 50 salariés et celles qui ont un accord d'intéressement.

Des revalorisations de prestations sociales

Plusieurs prestations sociales doivent être revalorisées. Les pensions de retraite et d'invalidité des régimes de base, la prime d'activité (dont le montant forfaitaire est de 563,68 euros), mais aussi les prestations familiales et les minima sociaux, dont le revenu de solidarité active (550,93 euros pour une personne seule sans ressource), l'allocation aux adultes handicapés (919,86 euros au maximum), l'allocation de solidarité aux personnes âgées (916,78 euros pour une personne seule) devraient connaître une hausse de 4%, selon le projet de loi consulté. Ce coup de pouce sera rétroactif au 1er juillet. Le coût de ces revalorisation s'élève à « un peu moins de 7 milliards fin 2022 », selon Les Echos

Le projet de loi de finances rectificative, présenté en même temps que le projet de loi « pouvoir d'achat », devrait en outre intégrer une revalorisation de 3,5% de l'aide personnalisée au logement (APL), ce qui représenterait une dépense supplémentaire de 168 millions d'euros.

De nouvelles mesures mises en place

Le gouvernement prévoit par ailleurs une série de nouvelles mesures. Les fonctionnaires verront ainsi la fin du gel de leur point d'indice, qui sert de base à leur rémunération. Les syndicats de la fonction publique demandent entre 3% pour la CFDT et 20% pour la CFTC. Une hausse de 1% coûterait 2 milliards d'euros par an à l'Etat, selon le gouvernement, qui devrait annoncer la valeur du nouveau point le 28 juin.

Une baisse des cotisations des travailleurs indépendants est également prévue dans le projet de loi. Elle doit leur permettre de gagner « 550 euros par an au niveau du smic », avait assuré mi-mai le porte-parole de l'ancien gouvernement Gabriel Attal.

Le projet de loi prévoit par ailleurs un renforcement de la « prime de transport » versée par les entreprises à leurs salariés pour couvrir une partie du coût de leurs déplacements domicile-travail. Le plafond d'exonération fiscale et sociale de la prise en charge par l'employeur des frais de carburant de ses salariés sera ainsi doublé, de 200 à 400 euros pour les années 2022 et 2023. Les salariés pourront aussi cumuler cette prime avec la prise en charge par l'employeur de 50% du prix des abonnement aux transports en commun.

La suppression de la redevance audiovisuelle devrait par ailleurs être effective dès l'automne prochain, avec un gain pour les ménages de 138 euros, soit un manque à gagner pour l'Etat de plus de 3 milliards d'euros net.

Le texte veut également ouvrir la possibilité d'instaurer un dispositif d'intéressement par l'employeur même sans accord de branche ou avec les représentants du personnel. L'objectif étant de faire bénéficier les salariés du partage de la valeur créée dans l'entreprise. En revanche, la piste d'un « dividende salarié », qui devait rendre obligatoire la participation en entreprise, « ne figure pas dans le texte initial à ce stade », confirme le ministère du Travail.

Outre ces mesures, le gouvernement prévoit d'intégrer au projet de loi de finances rectificative un « bouclier loyer », visant à plafonner les hausses de loyer pendant un an à 3,5%, a confirmé Bruno.

« La politique, c’est des choix (…) Il est impératif de réduire l’endettement public », mais « il faut dans le même temps protéger nos compatriotes qui sont les plus fragiles, mais les protéger de manière responsable. », conclut Bruno Lemaire.




Andrew Preston pour DayNewsWorld