SYRIE : LE BON SENS DE DONALD TRUMP OU

L’AUTRE ANALYSE GEOPOLITQUE

Le 21 novembre 2018, la Présidence Afghane, qui faisait savoir que « le retrait de quelques milliers de militaires n’aurait pas d’impact sur la sécurité du pays » avait donné corps à l’hypothèse selon laquelle Donald Trump s’apprêtait à annoncer le retour des militaires américains basés en Afghanistan. Rappelons à cet instant que la présence américaine en Afghanistan avait été prolongée de 2016 à fin 2018, délai nécessaire pour vérifier que le pays allait demeurer sécurisé et libre de talibans. Le retrait officiel des troupes US d’Afghanistan a été annoncé le 20 décembre, au lendemain de celui concernant la Syrie.

Pour autant, ce qu’il faut retenir, c’est que c’est de la Syrie que Donald Trump, a, en premier lieu, décidé de se retirer n’annonçant que le lendemain le retrait d’Afghanistan.

Mais alors pourquoi établir un lien entre la présence américaine en Afghanistan et en Syrie ?

Donald Trump a signé le 23 décembre le décret de retrait de la Syrie des troupes américaines, tout en se donnant 100 jours pour préparer ce départ. Tard dimanche soir (23/12/2018) le Président américain a en effet tweeté : « nos troupes rentrent à la maison ! » ajoutant que « ce retrait serait lent et coordonné »… et pour cause, on verra plus loin…

Toute la communauté internationale est restée sans voix face à cette décision, qui a jeté le trouble chez les alliés des US. Mais la décision du Président américain a provoqué aussi un choc, en interne, aux Etats-Unis même, un choc tel que cela, a entrainé la démission anticipée du Secrétaire de la Défense, le Général Jim Mattis et de l’émissaire pour la coalition internationale antidhjiadiste, Brett McGurk, opposés tous deux à ce retrait.

Au moment de ces décisions capitales en cette fin d’année 2018, chacun s’est immédiatement posé la question de savoir à qui elles allaient profiter, et qui serait , à contrario, lésé, car certains dominos vont tombés les uns après les autres.

Elles vont profiter tout d’abord, selon nous, aux Américains eux-mêmes, à l’Américain de base déçu et mécontent des politiques menées antérieurement depuis la fin de la guerre froide, ces politiques qui n’ont pas été couronnées de succès malgré le déploiement de forces (militaires en particulier) et de moyens financiers considérables. Parmi les citoyens américains, cette décision va aussi et surtout satisfaire l’électorat de Donald Trump qui attendait la réalisation de ses promesses de campagne.

Elles vont profiter peut-être aussi, à l’ensemble des citoyens du Monde , le conflit syrien étant susceptible depuis de nombreux mois, au moindre accrochage, plus risqué que les autres, de déboucher sur une guerre mondialisée (écartée jusqu’ici grâce au sang froid de Vladimir Poutine et à la bonne entente qui règne entre Washington et le Kremlin en ce moment?) .

Les pays gagnants :

La Russie (et son état satellite, le Kazakhstan), la Chine qui depuis 2010 opposent de plus en plus souvent leurs vetos à l’ONU, mais l’Iran aussi.

La Chine et la Russie opposaient depuis plusieurs années leurs vétos à l’ONU, parce que mécontentes de ce qui se passait en Asie Centrale.

Explication ! La guerre en Afghanistan avait pour raison fondamentale d’exclure la Chine d’une équation politique pouvant la relier à L’Iran, son allié depuis longtemps, dont elle est séparée par le Tajikistan. La guerre en Afghanistan et son corolaire, l’occupation américaine, avait au surplus pour objectif de contrôler le robinet du pétrole et du gaz qui venaient du Kazakhstan (riche en hydrocarbures). Les pipelines partent du Kazakhstan vers l’Inde via le Pakistan et jusqu’en Chine ensuite .Ces pipelines pouvaient être une alternative pour fournir la Chine et l’Inde empêchés de s’approvisionner en Iran en cas de guerre et de fermeture du détroit d’Ormuz (placé sous le contrôle de l’Iran).

Depuis le Kazakhstan, un autre pipeline traverse la Mer Caspienne via l’Azerbaïdjan pour se diriger,via la Syrie, vers le port pétrolier de Ceyhan situé à l’extrême sud de la Turquie, à quelques kilomètres de la frontière syro-turque et au delà en Europe.

Que va- t- il donc arriver concrètement désormais après ces décisions : la Résistance au Liban, la Syrie (libérée) l’Irak, (pour partie libéré même s’il reste encore une présence américaine), l’Iran, l’Afghanistan, le Tadjikistan et la Chine vont constituer ensemble une ligne directe sur la Méditerranée. La Chine est une grande gagnante.

La Russie avait déjà, via la Mer Noire, depuis l’affaire Géorgienne de 2006 et l’annexion de la Crimée , un accès sur la Méditerranée. Elle renforcera néanmoins celui-ci, sans être obligée de traverser toute la Turquie systématiquement. Les relations de Vladimir Poutine avec le Président Erdogan n’étant pas au beau fixe, ce sera tout bénéfice pour la Russie…

Après les décisions de Donald Trump, la Chine et la Russie vont donc désormais avoir un accès sur la mer « otanienne » de la Méditerranée, qui reste surveillée par l’OTAN, depuis la Libye.

L’Iran de son coté, qui a amélioré ses relations avec l’Arménie, n’est plus encerclé et isolé car le verrou de la Syrie vient de sauter ce pays n’étant plus un obstacle. L’Iran devra néanmoins gérer seul l’embargo initié par les US.

Mais l’Iran n’a pas de frontière avec la Syrie me direz-vous ? Peu importe ! Les échanges commerciaux avec l’Iran passeront par la Turquie. D’ailleurs, Donald Trump a longuement échangé par téléphone avec le Président turc, Recep Tayyip Erdogan , quelques heures avant le fameux tweet du 23 décembre. C’est à ce moment là que les deux dirigeants se sont mis d’accord pour  « convenir d’assurer la coordination entre militaires, diplomates et autres responsables de leurs pays pour éviter un vide du pouvoir qui pourrait résulter de l’exploitation du retrait (2000 soldats américains) et de la phase de transition en Syrie ». Depuis la Turquie a acheminé des unités militaires (canons, batteries d’artillerie) à la frontière, le Président Erdogan ayant assuré Donald Trump « en des termes très forts, qu’il allait éradiquer ce qui reste de l’EI (l’état djhiadiste) déjà en grande partie vaincu ».

Depuis (le jour de Noel-25/12) Erdogan a même invité Donald Tromp à Ankara (en 2019) « pour resserrer leurs relations et coordonner le retrait ». La Turquie n’avait élevé auparavant il faut le noter, aucune protestation par rapport à la décision de Donald Trump, ce qui pouvait laisser présager des moments difficiles pour la minorité Kurde, qui a toujours combattu loyalement au coté de la coalition. Pour eux et par souci humanitaire il faudra que la communauté internationale veille au grain ! Très sérieusement !

Mais on vient au demeurant juste d’apprendre que les combattants kurdes ont fait un appel à l’aide au régime syrien, révélant ainsi un renversement d’alliance inattendu après des années de relations ambigües avec Damas. Bachar el Assad vient d’accepter cette main tendue en renforçant ses troupes aux alentours de la ville de Manbij située au Nord Est d’Alep, près de la frontière turque.

Mais il y a ceux qui ne sortent pas gagnant du virage de l’Empire américain, et qui viennent de perdre leur situation hégémonique au Moyen Orient, à l’exemple d’Israël et de son Premier Ministre, « Bibi » (Benjamin) Netanyahou, qui pourtant, dans un contexte politique exacerbé, avait néanmoins obtenu il y a quelques mois que l’Ambassade des Etats-Unis soit fermée à Tel Aviv et transferée à Jérusalem.

Il fallait bien tout çà, de toute évidence, pour que Benjamin Netanyahou sauve sa tête au bout de longues années de pouvoir autoritaire alors qu’il n’a pas fait bouger d’un pouce le processus de paix avec les Palestiniens (« Gaza est une prison à ciel ouvert » disait autrefois Nicolas Sarkozy, peu susceptible de sympathie anti-israélienne), et qui parallèlement a laissé les religieux prospérer et les colonies se déployer , toutes ces options allant contre les intérêts généraux et nationaux du pays (Israël a le plus haut taux de pauvreté parmi les pays développés).

Pourtant, si le pipeline venant du Kazakhstan devait être prolongé jusqu’à Ashdod, un port israélien situé sur la cote méditerranéenne, Israël pourrait devenir moins dépendant des Pays du Golfe et de l’Arabie Saoudite dont il s’est curieusement rapproché dernièrement ? Le Premier Ministre israélien devait y réfléchir ?

Donald Trump vient donc de révéler la nouvelle géostratégie des US. On a la confirmation que le président américain ne veut plus que les US soit encore et toujours le gendarme du monde. « America first » commande ! Les mots prennent aujourd’hui tout leur sens .Donald Trump semble avoir également démontré qu’il est un homme de paix ?

On a vu sous nos yeux un coup de billard à 4 ou 5 bandes, magistral !

Mais à ce stade me direz-vous où sont les intérêts de Donald Trump et de l’Amérique ?

Concurremment, cette décision inattendue de Donald Trump a mis en évidence plus que jamais les défaillances du complexe américano-sioniste, qui s’est avéré impuissant pendant des décennies, mais qui a pourtant été soutenu si ardemment par Hillary Clinton lors de la campagne présidentielle.

La guerre qui justifiait toutes les guerres vient d’être expliquée, subitement et limpidement, et cela ne milite pas en faveur de Barack Obama et de son camp. Le camp des démocrates qui vient d’imposer « le shut down » pendant la discussion budgétaire ne sort pas grandi à la fin de cet exposé. La Paix au Moyen Orient, c’est Donald Trump qui pourrait l’imposer !

Mais après le retrait américain de Syrie, il va falloir quand même que beaucoup de choses changent et qu’émergent de nouveaux principes.

Le projet sino-russe conforté par les récentes décisions de Donald Trump ne devra pas briser Israël. C’est un point important, validé par la Chine et la Russie, qui , en laissant le maillon syrien se détendre vont permettre aux US de mettre en place une autre politique régionale.

Car il va falloir impérativement chercher à rééquilibrer les relations commerciales dans ce secteur, et au-delà avec l’Extrême Orient.

La dernière pièce du puzzle que Donald Trump détient pour cela dans ses mains sera très certainement posée sur le Détroit d’Ormuz, que possède l’Iran mais aux alentours duquel patrouillent en permanence les navires de guerre américains qui sont encore des otages iraniens. L’Iran détient au nord du détroit d’Ormuz une fenêtre (frontière) sur le Golfe Persique (ou Mer Arabique). Cette mer relie l’Iran aux pays du Golfe où comme le disaient les Anglais, seul le triangle Irak/Iran/Yémen est capable d’assurer la protection du pétrole.

Or, depuis septembre 2014, sous couvert de guerre de religion (sunnites contre chiites soutenus par l’Iran) qui n’est dans les faits qu’une guerre régionale à caractère économique, le Yémen est engagé dans un conflit sans merci contre l’Arabie Saoudite qui l’a sauvagement attaqué et qui souhaite le rattachement de ce petit état situé tout au sud de la péninsule arabique. On comprend bien pourquoi !

L’Arabie Saoudite mais aussi l’Iran voulaient jusqu’à présent tous deux contrôler cette zone et finançaient pour cela les différents belligérants engagés dans une guerre civile où toutes les horreurs ont été permises. Ayant obtenu l’un et l’autre satisfaction quant au respect de leurs intêrets propres, ils vont devoir mettre fin aux bruits de bottes et aux vacarmes des canons.

On comprend mieux au surplus, aux travers de cette description géopolitique, le pourquoi de la leçon sévère administrée par Donald Trump au jeune Prince Mohamed Ben Salman suite à l’affaire Khashoggi Cette affaire a fait désordre;  toute la communauté internationale a dénoncé les comportements violents et inhumains commis par l’Arabie Saoudite au Yémen . Elle risquait d’entraver la mise en place du projet politique du Président des Etats-Unis. L’Arabie Saoudite va désormais être contrainte de rentrer très vite les armes !

En allant visiter les soldats américains encore stationnés en Irak , Donald Trump a eu raison de faire de la politique dans son discours , ne serait-ce que pour faire comprendre son projet géostratégique et souligner que « la mission (la sienne ) avait été accomplie » Le Président américain a confirmé ainsi qu’il ne veut plus, mais vraiment plus que les US soit encore et toujours le gendarme du monde. « America first » commande ! Les mots viennent de prendre tout leur sens . En revanche, on comprend parallèlement que l’Europe a été laissée à son sort (triste), toutes frontières ouvertes, et ce ne sont pas les critiques « sur la déloyauté des US vis-à-vis de ses alliés » qu’a tenu Emmanuel Macron du Tchad où il se trouvait au même moment qui changeront quoi que ce soit. L’Europe va se trouver dès demain seule face à son destin.

La guerre est finie en Syrie mais elle va peut être commencer dans le Golfe où Donald Trump va devoir sécuriser les approvisionnements pétroliers de l’Amérique et de l’Occident, sans pouvoir compter sur les « cheikats » mais tout en s’appuyant sur l’Irak où des troupes américaines stationnent encore. Les nouveaux enjeux géostratégiques des US vont être dans « cette plus petite partie » du monde désormais. Gageons que le sens de la négociation dont semble faire preuve Donald Trump l’aidera à éviter que l’on reprenne les armes dans cette partie du monde.

Clara Mitchell pour DayNewsWorld