BRAS DE FER ENTRE HONG KONG ET LA CHINE

AVEC LA LOI D'EXTRADITION

Depuis quelques années, le pouvoir chinois interprète systématiquement de manière restrictive les textes régissant l’autonomie de Hongkong. Un projet de loi prévoit d'autoriser les extraditions vers la Chine. Controversé, il a déjà provoqué une manifestation sans précédent à Hong-Kong le week-end dernier.

L'ex-colonie britannique a été, dimanche, le théâtre de sa plus importante manifestation depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. Selon les organisateurs, plus d'un million de personnes sont descendues dans les rues pour demander à l'exécutif hongkongais de renoncer à son projet de loi. Le texte a suscité les critiques de pays occidentaux ainsi qu'une levée de boucliers de certains Hongkongais qui redoutent une justice chinoise opaque et politisée, et pensent que cette réforme nuira à l'image internationale et l'attractivité de la ville semi-autonome.

Les médias audiovisuels chinois n’évoquent pas le sujet et les réseaux sociaux qui le font sont censurés.

De plus l'ampleur de la manifestation n'a cependant pas dissuadé la cheffe de l'exécutif local, Carrie Lam, qui a réaffirmé lundi que le Conseil législatif (LegCo) - le Parlement hongkongais dominé par les forces loyales à Pékin- examinerait comme prévu mercredi 12 juin 2019 ce texte en deuxième lecture.

Les opposants au texte ont annoncé de leur côté une manifestation mercredi près du LegCo et appelé la population à y participer ou à faire grève. D'autres ont également appelé à la tenue d'un rassemblement dès mardi soir pour passer la nuit près du parlement. Des commerçants se sont d'ores et déjà mobilisés sur les réseaux sociaux, sous un hashtag pouvant se traduire par "#grève1206", pour annoncer que leurs boutiques fermeraient leurs portes afin de permettre à leurs employés de manifester.

Au terme de l'accord de 1984 entre Londres et Pékin qui a présidé à sa rétrocession en 1997, Hong Kong jouit d'une semi-autonomie et de libertés n'existant pas en Chine continentale et ce, en théorie, jusqu'en 2047. L'ex-colonie britannique est cependant depuis une dizaine d'années le théâtre d'une forte agitation politique en raison de l'inquiétude générée par l'ingérence grandissante de Pékin dans ses affaires intérieures, et par le sentiment que l'accord de rétrocession et le fameux principe « Un pays, deux systèmes » ne sont plus respectés.

Le projet de loi controversé doit permettre les extraditions vers toutes les juridictions avec lesquelles aucun accord bilatéral n'existe, y compris la Chine continentale. Les autorités affirment que cette loi comblera un vide juridique et fera que la ville ne servira plus de refuge à certains criminels. Elles assurent que des garde-fous existent pour assurer qu'elle respecte les standards internationaux en matière de droits de l'Homme et qu'elle ne visera pas les opposants politiques à la Chine.

Mais ce projet de loi présente de sérieux risques en matière de droits de l'homme. Hong Kong ne bénéficie-t-il pas en effet d'un système judiciaire autonome (« Un pays, deux systèmes », avait lancé Deng Xiaoping), depuis 1997, année de la rétrocession à la Chine de l'ancienne colonie britannique ?

L'accord sino-britannique prévoit justement le maintien de ce système judiciaire pendant cinquante ans. Pékin a signé la déclaration conjointe avec le Royaume-Uni, donnant lieu à une loi fondamentale qui sert de Constitution à Hong Kong et qui garantit certains droits aux Hongkongais. En aucun cas n'était incluse la possibilité d'extrader des personnes, en Chine ou ailleurs.

Or une telle loi sur l'extradition permettrait aux autorités d'expédier n'importe quel résident du territoire en Chine continentale, y compris des personnes dont les activités politiques déplairaient au Parti communiste chinois.

Les manifestations de Hong Kong et de ses 7,5 millions d'habitants de dimanche, lundi et aujourd'hui ne s'y sont pas trompés qui  font entendre leur voix, à l'image du « mouvement des parapluies » de 2014.

Parmi eux, des autochtones surtout, mais aussi des Chinois du continent et des expatriés, asiatiques ou non, dont la présence est une garantie au maintien de Hong Kong comme plate-forme internationale.

Alyson Braxton pour DayNewsWorld