VERS UNE MORT CEREBRALE DE L'OTAN

ET UNE  PERTE DE PUISSANCE DE L'EUROPE ?

L'Otan est « ​en état de mort cérébrale ​», a déclaré Emmanuel Macron dans un entretien publié jeudi dans The Economist. Le désengagement des États-Unis - qui «nous tournent le dos» - sur la scène internationale contraint les Européens à «réévaluer la réalité» de l'Alliance atlantique aujourd'hui, juge Emmanuel Macron qui appelle à «rouvrir un dialogue stratégique» avec la Russie.

Le président français estimant que l’Europe est « ​au bord du précipice ​» dans le cadre géopolitique actuel, invite donc ses partenaires à « se réveiller » afin de conserver le « contrôle de la destinée du continent ».

L' exemple de la Turquie en Syrie

Le chef d'Etat français s'appuie pour justifier son pessimisme sur les événements récents en Syrie. « ​Nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’Otan qui est la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination. Il n’y a pas eu de planification ni de coordination par l’Otan. D’un point de vue stratégico-politique ce qui s’est passé est un énorme problème pour l’Otan. ​»

"En octobre, Donald Trump a annoncé le retrait des forces spéciales américaines laissant ainsi le champ libre à la Turquie pour pénétrer en Syrie et y défaire nos alliés du PYD kurde. La France n’a pu que protester. Le point de vue de la Turquie, membre de l’Otan depuis 1952, est radicalement différent ​: pour Ankara, ses alliés – dont la France – auraient dû la soutenir contre ses ennemis – le PYD lié au PKK, considéré par le gouvernement turc de « terroriste »– et non les armer."

« Un pavé dans la marre » qui a fait réagir Berlin, Washington et Moscou

C'est un« un pavé[ lancé] dans la marre », à la veille du 30e anniversaire de la «fin» de la guerre froide lors la chute du mur de Berlin, qui n'a pas manqué de faire réagir plutôt négativement nos alliés, d'autant qu' Emmanuel Macron a fait une fois de plus cavalier seul en faisant cette déclaration à l'insu des autres Européens. Fin août, les mêmes avaient déjà appris de la sorte qu’Emmanuel Macron entendait bâtir une nouvelle « ​architecture européenne de sécurité et de confiance ​» avec la Russie de Vladimir Poutine .

Les Européens ont sévèrement réagi doutant de cette «nécessité pour l’Europe de repenser sa sécurité indépendamment des Etats-Unis» et se méfiant de cette «main tendue vers la Russie».

A la chancelière allemande Angela Merkel de commenter immédiatement ces propos qu'elle taxe de « radicaux » : «Je ne pense pas qu'un tel jugement intempestif soit nécessaire, même si nous avons des problèmes, même si nous devons nous ressaisir», a-t-elle déclaré. Pour elle aucun doute : « l'Otan reste la pierre angulaire de notre sécurité ​». Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a, de son côté, estimé que l'Alliance restait «forte» et que les États-Unis et l'Europe «travaillaient ensemble plus que nous ne l'avons fait depuis des décennies».

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo , quant à lui, a jugé, lors d'une conférence de presse à Leipzig (Allemagne), que l'Otan, restait «historiquement un des partenariats stratégiques les plus importants». Il en a profité cependant pour rappeler l'exigence de Donald Trump (qui avait lui-même qualifié l'Otan d'organisation «obsolète» en janvier 2017) aux pays membres de l'Alliance de mieux «partager le fardeau» de son financement.

Seule la Russie a réagi positivement.« Ce sont des paroles en or. Sincères et qui reflètent l’essentiel. Une définition précise de l’état actuel de l’OTAN », a écrit, de son côté, la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova sur sa page sur Facebook, commentant les propos sur l’OTAN de M. Macron .

Trois défis majeurs pour l' Europe

Le sommet de l’Alliance atlantique qui  se tiendra à Londres les 3 et 4 décembre, et célébrera son 70e anniversaire, devrait s'emparer de l'urgence à réfléchir sur le positionnement géostratégique de l'Europe dans un monde où trois risques, selon Emmanuel Macron, menacent cette dernière :

qu’elle ait « oublié qu’elle était une communauté », le « désalignement » de la politique américaine du projet européen, et l’émergence de la puissance chinoise « qui marginalise clairement l’Europe ».

Joanne Courbet pour DayNewsWorld