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POURQUOI LES COMMEMORATIONS DU 30E ANNIVERSAIRE DE LA CHUTE DU MUR DE BERLIN

NE SONT-ELLES PAS VRAIMENT UNE FETE ?

Ce 9 novembre, Berlin a commémoré les 30 ans de la chute du « mur de la honte ». Cet événement historique, précurseur de la fin du bloc soviétique, avait réunifié une capitale divisée pendant près de trois décennies. Un anniversaire important, dans un contexte géopolitique tendu, pour lequel les autorités de la ville et les associations berlinoises ont organisé de nombreuses manifestations.

Point culminant de la célébration du 30e anniversaire de la chute du mur, la journée du 9 novembre qui a débuté avec le discours du président allemand, Frank-Walter Steinmeier, sous la porte de Brandebourg. La chancelière Angela Merkel a pris ensuite la parole dans la Chapelle de la réconciliation, un lieu symbolique pour les Berlinois, en présence de plusieurs représentants de pays d'Europe de l'Est.

L'artiste américain Patrick Shearn a confectionné pour l'occasion une immense banderole en papier de 150 mètres de long, composée de milliers de vœux. Il fera voler son installation en fin d'après-midi au-dessus de la porte de Brandebourg, avant que ait pris place un grand concert symphonique qui viendra clôturer la journée.

Les clubs de Berlin, ville pionnière en terme de musique électronique, ont ensuite pris le relais pour poursuivre les célébrations jusqu'au petit matin.

Des commémorations sobres

Mais ces commémorations marquent un anniversaire, celui des 30 ans de la chute du "mur de la honte" mais pas une fête.

Parfum de retour de la guerre froide, montée des nationalismes… L’Allemagne et l’Europe célèbrent cette semaine en effet les 30 ans de la chute du Mur de Berlin dans une atmosphère pesante, loin des espoirs nés de la fin du Rideau de fer.

Signe des temps, l’Allemagne a prévu un programme politique minimum pour cette commémoration, dont le temps fort est prévu samedi.

Il y a dix ans, pour les 20 ans de la chute du Mur le 9 novembre 1989, des dirigeants de la planète entière s’étaient déplacés, y compris ceux des quatre forces alliées de la Deuxième Guerre mondiale, pour faire tomber un modèle de mur devant la Porte de Brandebourg à Berlin.

Pas de grand geste samedi, l’heure a été à la gravité.

Vers une nouvelle guerre froide ?

En effet si la chute du Mur et du Rideau de fer ayant divisé l’Europe d’après-guerre avait fait, à l’époque, espérer une ère de détente et d’unité, de désarmement, l’extension partout du modèle des démocraties libérales, aujourd'hui le vent semble avoir tourné.

’Union européenne accuse des pays libérés il y a trente ans du glacis communiste, comme la Hongrie ou la Pologne, de remettre en cause à présent l’État de droit, partout la tentation nationaliste est perceptible dans les opinions. En Allemagne, et particulièrement en ex-RDA, l'AfD, parti anti-migrant, connaît aussi un succès inquiétant...

Et sur le plan géopolitique, « la guerre froide est de retour » selon le secrétaire général de l'Onu Antonio Guterres, qui soulignait l'an dernier que « les mécanismes et garde-fous qui permettaient jadis de gérer les risques d’escalade ne paraissent plus exister ». Les États-Unis sont ainsi sortis du traité de désarmement INF signé pendant la guerre froide, ouvrant la voie à une nouvelle course aux armements dirigée contre la Russie, qui place ses pions partout où Washington se retire comme au Moyen-Orient, mais surtout la Chine.

Mike Pompeo, secrétaire général du Département d’État américain le sait pertinemment qui a prévu lors de ces commémoration qu’il s’agirait de discuter de « la nécessité d’une implication renforcée face aux menaces grandissantes venues de Russie et de Chine ».

Des discours pour  la liberté et la démocratie loin des égoismes nationaux

La chancelière allemande, Angela Merkel, a en effet exhorté, samedi 9 novembre, l’Europe à défendre « la liberté » et « la démocratie » de plus en plus contestées. « Les valeurs qui fondent l’Europe, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit et la préservation des droits de l’Homme ne vont de soi » et « doivent toujours être défendues », a-t-elle assuré dans la chapelle de la Réconciliation, un des lieux de mémoire de la division de la ville du temps du Rideau de fer.

« A l’avenir il convient de s’engager » pour défendre les valeurs de l’Europe, a ajouté la chancelière. « Le Mur de Berlin appartient à l’Histoire et nous enseigne qu’aucun mur qui exclut les gens et restreint la liberté n’est assez haut ou long qu’il ne puisse être franchi », a aussi souligné Angela Merkel, originaire elle-même de l’ancienne Allemagne de l’Est communiste, la RDA, et qui a entamé sa carrière politique dans le sillage de la chute du Mur de Berlin. « Cela vaut pour nous tous, à l’Est comme à l’Ouest », a-t-elle jugé.

Le président allemand, à son tour, a exhorté, samedi 9 novembre, les Etats-Unis de Donald Trump à faire preuve de « respect »  à l'égard de leurs alliés et à tourner le dos à « « l'égoïsme national », lors des cérémonies des 30 ans de la chute du Mur de Berlin. Alors que que ces festivités s'annonçaient comme consensuelles, Frank-Walter Steinmeier, dont le rôle est honorifique mais qui est considéré comme l'autorité morale du pays, a mis les pieds dans le plat en soulignant à cette occasion la dégradation des relations transatlantiques ces dernières années.

Et c'est devant la mythique Porte de Brandebourg, symbole jusqu'en 1989 de la « division de l'Allemagne », que Frank-Walter Steinmeier a décrit dans un discours le rôle prépondérant des Etats-unis, le « bras fort de l'Ouest », dans la fin du Rideau de fer il y a trois décennies.

« Nous, les Allemands, nous devons beaucoup à cette Amérique. A cette Amérique en tant que partenaire dans le respect mutuel, en tant que partenaire pour la démocratie et la liberté, contre l'égoïsme national. C'est ce que j'espère aussi à l'avenir », a asséné Frank-Walter Steinmeier. Une allusion claire à l'administration actuelle à Washington.

« La politique mondiale suit une pente extrêmement dangereuse », a mis en garde Mikhaïl Gorbatchev dans son dernier livre en forme de testament politique.

Joanne Courbet  pour DayNewsWorld